Paris Capitale

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 27 octobre 2020 - 718 mots

Paris -  Qui oserait dire que Paris n’est plus à la fête ? Passé la douche froide des annulations de la Fiac et de Paris Photo, le monde de l’art parisien a choisi de ne pas se laisser abattre. Partout, dans les galeries, les salons, les musées et les fondations, on se retrousse les manches. Par amour de l’art, bien sûr. Pour survivre, aussi. Du côté des galeries, chaque bonne nouvelle est accueillie comme une victoire. Après le succès insolent d’Art Paris en septembre, le maintien coûte que coûte des salons Galeristes et Asia Now en octobre a redonné du baume au cœur à ce secteur durement touché par la crise sanitaire et économique. Certains en sortent même renforcés, comme le salon Galeristes (qui a su transformer son positionnement local en message politique : « Une foire zéro kilomètre, zéro déchet »), quand Asia Now a su convaincre, grâce à son tropisme asiatique, les poids lourds parisiens privés de foires internationales de venir grossir ses rangs (à l’instar des galeries Perrotin, Almine Rech, Obadia et Georges-Philippe & Nathalie Vallois). L’ouverture en octobre de la puissante galerie new-yorkaise Lévy Gorvy, passage Sainte-Avoye, est, un an après l’arrivée de David Zwirner dans le Marais, une autre bonne nouvelle. Le recul prévisible de la place de Londres à la suite du Brexit a convaincu l’enseigne spécialiste de Calder, Fontana, de Kooning, Soulages ou Günther Uecker, de s’implanter à son tour à Paris. Mais ce n’est pas la seule raison : « Où, ailleurs qu’à Paris, peut-on discuter jusqu’à 2 heures du matin d’art, de philosophie ou de politique ? », déclare Dominique Lévy, cofondatrice de la galerie, au journal Le Monde. En l’occurrence, on y parle ces derniers temps des expositions Ed & Nancy Kienholz et Mark Tobey. La première vient tout juste de se terminer à la Galerie Templon, la seconde de commencer chez Jeanne Bucher Jaeger. Deux monstres sacrés de l’art américain chez deux grandes galeries françaises, pour deux accrochages où l’épithète « muséal » n’est pour une fois pas usurpée, voilà une autre nouvelle positive ! Oui, les galeristes résistent. Ils font même le « Pari(s) » de leur survie, pour reprendre le titre de la communication imaginée par le Comité professionnel des galeries d’art pour « La semaine de l’art » en octobre. Et c’est bien de cette oreille que l’entendent les galeries Jérôme Poggi (qui a entièrement repensé son espace et sa stratégie) et Backslash (qui vient de réaliser d’importants travaux pour fêter les dix ans de l’enseigne). Ne pas se résigner, donc, et se laisser « transformer » par la crise, comme l’explique Jérôme Poggi auJournal des Arts.

Capitale -  Dans les musées aussi, on relève le défi. « Giorgio De Chirico. La peinture métaphysique » au Musée de l’Orangerie, « Cindy Sherman » à la Fondation Louis Vuitton, « Victor Brauner » au Musée d’art moderne de Paris, « Les Olmèques » au Musée du quai Branly, « Matisse, comme un roman » au Centre Pompidou… Nombre d’expositions visibles cet automne sont des rescapées du confinement, mais à quel prix ? « Albrecht Altdorfer, maître de la Renaissance allemande », par exemple, a bien failli ne pas ouvrir ses portes au Louvre. Programmé au printemps dernier, l’événement a d’abord été reporté, puis menacé lorsque l’Albertina Museum à Vienne, son coproducteur, a jeté l’éponge, faute de financement. Peu après, c’est l’Allemagne, grande pourvoyeuse des peintures d’Altdorfer, qui instaurait sa quarantaine, rendant difficile le prêt d’œuvres et leur transport jusqu’à Paris. Qu’à cela ne tienne, le Louvre est allé les récupérer à la frontière ! Il faut s’en réjouir, tant l’exposition est exceptionnelle, comme l’est la programmation générale des musées de la capitale cet automne.

Mais après ? Ne faut-il pas, dans quelques mois, craindre le contrecoup de la crise ? Le ralentissement de l’économie, la baisse prévisible des subventions et un certain fatalisme ne nous promettent-ils pas des lendemains qui déchantent ? La question hante les esprits, même les plus résistants. Est-ce pour cette raison que François Pinault a annoncé, ces jours-ci, avancer l’ouverture des portes de la Bourse de commerce du printemps 2021 au 23 janvier prochain ? Dans son communiqué, le collectionneur se réjouit que l’ouverture de son musée puisse contribuer, « après la dure année 2020 que traversent notre pays et le monde, à la renaissance de la vie culturelle à Paris ». Faute de miracle, toutes les nouvelles positives sont bonnes à prendre. Elles sont capitales pour l’avenir.
 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Paris Capitale

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