Mirage réaliste

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2012 - 350 mots

En marge de la foire d’art moderne et contemporain d’Abou Dhabi qui a fermé ses portes le 11 novembre (nous y reviendrons dans la prochaine édition du JdA), s’est tenue une conférence exceptionnelle et à guichets fermés, réunissant les trois grands architectes des futurs musées sur l’île de Saadiyat. Il y avait là Lord Norman Foster pour le Musée national Zayed, Frank Gehry pour le Guggenheim et Jean Nouvel pour le Louvre-Abou Dhabi. Une façon pour l’émirat de rassurer sur sa volonté de mener à terme le vaste projet touristico-culturel chiffré à 100 milliards de dollars après la révision de son séquencement en début d’année. Car les Émirats arabes unis (EAU) n’ont pas été épargnés par la crise financière de 2008. Abou Dhabi, le plus riche et le plus vaste des émirats, a été obligé d’apporter en urgence 20 milliards de dollars à la fin 2009 à son voisin de Dubaï, dépourvu lui de ressources pétrolières et victime de ses excès dans l’immobilier.

Le « printemps arabe » a aussi changé la donne et poussé les cheikhs à reconsidérer les arbitrages entre le développement local et les investissements dans le tourisme. S’en est suivi un vaste audit de ses dépenses qui a abouti aux reports de la construction des musées. Le Louvre n’ouvrira pas à la fin de l’année 2012 comme initialement prévu mais en 2015, tandis que le Musée Zayed est annoncé pour 2016 et le Guggenheim pour 2017. En revanche, aucune date n’est communiquée pour le Musée maritime de Tadao Ando ni pour le complexe pour le spectacle vivant de Zaha Hadid. Il est difficile d’imaginer que cette vaste zone désertique située au nord-est de l’île de Saadiyat, dont un aperçu est visible sur Google Maps, puisse un jour ressembler à ces maquettes publiées sur le site Internet du promoteur TDIC : des musées dans des architectures toutes plus audacieuses les unes que les autres s’y avancent sur la mer. On avait fini par croire qu’avec ses 100 milliards de revenus pétroliers annuels, les EAU pouvaient tout se permettre. Dorénavant même les mirages doivent faire preuve de réalisme.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Mirage réaliste

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