Manon Vidal, « Jacques-Guillaume Legrand (1753-1807). Pratique, théorie et histoire de l’architecture à la fin du XVIIIe »

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 2014 - 779 mots

Jacques-Guillaume Legrand (1753-1807) fut à la fois architecte, théoricien et historien de l’architecture. Formé à l’École des ponts et chaussées et à l’Académie royale d’architecture, il fut l’élève de Jacques-François Blondel puis de Charles-Louis Clérisseau, dont il resta proche sa vie durant et qui devint son beau-père.

Legrand mena une première partie de carrière prospère dans les années 1780, en association avec l’architecte Jacques Molinos, ami et compagnon d’études. Dès 1782, leur carrière commune débuta par un coup d’éclat : la réalisation de la coupole en bois de la halle au blé de Paris. En collaboration avec le charpentier André- Jacob Roubo, ils réhabilitèrent un procédé de charpente original, mis au point au XVIe siècle par Philibert Delorme. L’ouvrage impressionna et intéressa jusqu’à Louis XVI. Forts de ce premier succès, les deux architectes travaillèrent ensemble à la réfection de la halle aux draps de la capitale et à l’aménagement de la place des Innocents voisine.

Outre ces réalisations pour le compte de l’administration parisienne qui firent connaître leur association, Legrand et Molinos œuvraient avant la Révolution pour des particuliers prestigieux. Ils aménagèrent ainsi l’hôtel particulier de la marquise de Marbeuf, rue du Faubourg Saint-Honoré. Pour le compte de Léonard Autier, coiffeur de la reine, ils édifièrent le théâtre de la rue Feydeau. Cette salle de spectacle, aujourd’hui disparue, devint alors l’une des plus appréciées de Paris pour sa décoration et son acoustique. Cette période faste se clôtura en 1793, par la construction, pour leur propre compte, de deux maisons rue Saint-Florentin. Les architectes élurent domicile dans l’une d’entre elles et consacrèrent la seconde à la location d’appartements. Elles inscrivaient dans la pierre la collaboration entre ces deux amis de toujours et témoignaient de leur réussite sociale et professionnelle.
La carrière de Legrand prit un nouveau tournant à partir de la Révolution. Tout en continuant ponctuellement à travailler pour une clientèle privée, il se mit au service de l’administration des Bâtiments civils. Chargé plus spécialement des halles et marchés et de l’entretien des églises de Paris, il participa également à quelques commissions exceptionnelles. En 1799, on le trouve ainsi membre de la commission temporaire des arts en Piémont. À son retour, il devint membre du jury du concours des colonnes départementales, ainsi que de la commission pour l’embellissement des Invalides, aux côtés de Jacques-Louis David, Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine. Parallèlement, il se consacra à l’enseignement, ainsi qu’à des recherches et publications concernant la théorie et l’histoire de l’architecture. Il s’attela tout particulièrement à l’ambitieux projet d’une Histoire générale de l’architecture qu’il ne put mener à terme avant sa mort. Avec Molinos, il s’attacha également à la constitution d’un musée d’architecture à leur domicile de la rue Saint-Florentin.
Les réalisations de Legrand, entre 1793 et 1807, date de son décès prématuré, furent peu nombreuses. L’architecte participa à plusieurs concours, mais aucune de ses propositions n’aboutit. Son rôle auprès de commanditaires particuliers semble s’être limité à cette époque à celui de conseiller. Il travailla ainsi, en 1802, pour Christopher et Rebecca Gore, riche couple d’Américains qui sollicita son expertise dans la conception des plans d’une maison d’été dans le Massachusetts. En 1806, ce fut pour le compte de l’oncle de l’empereur, le cardinal Fesch, dans ses hôtels de la rue de la Chaussée d’Antin. Enfin, Legrand intervint à la basilique Saint-Denis à partir de 1805, en tant qu’architecte des églises de Paris, pour la transformer en nécropole impériale. Sa mort laissa inachevé un chantier prestigieux qui, peut-être, aurait pu relancer une carrière quelque peu essoufflée.
Cette étude, effectuée à partir de nombreuses sources largement inédites, est la première monographie consacrée à cet architecte méconnu. Outre la remise en lumière de ses réalisations, aujourd’hui quasiment toutes disparues, elle a permis de redécouvrir une personnalité du monde de l’architecture intéressante par son regard de théoricien et d’historien : un représentant d’une réflexion de transition, entre la pensée néoclassique de la seconde moitié du XVIIIe siècle et une théorie architecturale tendant peu à peu à se dégager de l’unique référent antique.

Pour rendre compte de l’actualité de la recherche universitaire, Le Journal des Arts ouvre ses colonnes aux jeunes chercheurs en publiant régulièrement des résumés de thèse de doctorat ou de mémoire de master (spécialité histoire de l’art et archéologie, arts plastiques, photographie, esthétique…). Les étudiants intéressés feront parvenir au journal leur texte d’une longueur maximale de 4 500 caractères (à adresser à Jean-Christophe Castelain, rédacteur en chef : jchrisc@artclair.com). Nous publions cette quinzaine le texte de Manon Vidal, qui a soutenu sa thèse « Jacques-Guillaume Legrand (1753-1807). Pratique, théorie et histoire de l’architecture à la fin du XVIIIe siècle », en 2014 à l’École nationale des chartes, sous la direction de Guillaume Fonkenell.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Manon Vidal, « Jacques-Guillaume Legrand (1753-1807). Pratique, théorie et histoire de l’architecture à la fin du XVIIIe »

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