Lubin Baugin, la preuve par treize

Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 491 mots

C’est une découverte comme l’histoire de l’art en réserve peu : la même semaine, treize nouveaux tableaux de Lubin Baugin ont été identifiés dans deux collections particulières. Ils seront présentés cet automne à Orléans, dans l’exposition monographique consacrée à ce peintre du XVIIe siècle.

PARIS - Le temps avait recouvert d’un voile d’oubli le nom et l’œuvre de Lubin Baugin (vers 1607/1613-1663), avant que notre siècle ne le redécouvre. Pionnier de cette résurrection, l’historien de l’art Jacques Thuillier vient d’apporter une nouvelle pierre au corpus de l’artiste, en identifiant avec Éric Moinet, conservateur du Musée des beaux-arts d’Orléans, treize nouveaux tableaux dans deux collections particulières parisiennes. Certains avaient été repérés dans des catalogues anciens mais non localisés, d’autres étaient tout simplement inconnus. D’ores et déjà, les heureux propriétaires ont accepté de prêter certaines œuvres pour l’exposition qu’Orléans, avant Toulouse, consacrera fin septembre à ce peintre originaire de la région de Pithiviers. Soixante à soixante-dix tableaux devraient être présentés autour du bouleversant Lamentations sur le Christ mort du musée.
La première collection, dont on connaissait déjà une scène de la Passion exposée au Musée de Lille lors de sa réouverture, comprend six Baugin. L’un d’eux, représentant en grisaille le martyre d’une sainte, constitue sans doute une esquisse pour un tableau plus important aujourd’hui disparu. Mais son iconographie suscite une indéniable perplexité : on mutile une main à la sainte en la crucifiant. Dans la seconde collection, deux des sept œuvres identifiées sont des interprétations d’après des peintures de Corrège, une source importante dans l’inspiration de Baugin, après son retour d’Italie. De son séjour dans la Péninsule, entre 1632-1633 et 1640-1641, il a en effet retenu la leçon des peintres de Parme, Corrège et Parmesan, et celle des Bolonais, Guido Reni principalement. Cette influence s’est mariée à une élégance bellifontaine, en quelque sorte atavique, pour donner naissance à un art raffiné, empreint d’une piété sincère et aimable. Deux autres tableaux traités en grisaille peuvent être mis en rapport avec des scènes de la vie de Moïse. Cette découverte confirme ce que l’on savait de Baugin : connu pour ses natures mortes, dont le célèbre Dessert de gaufrettes du Louvre, il était d’abord un peintre religieux qui a beaucoup produit pour le commerce privé des tableaux de dévotion, d’ailleurs vendus très cher.
De 87 œuvres répertoriées avant cette découverte, le corpus de l’artiste fait un bond en avant significatif, et “cette exposition pourrait faire ressortir des tableaux de collections privées et d’édifices religieux. Si l’on retrouve des œuvres importantes dans nos musées, explique Éric Moinet, en faisant allusion à l’exposition “Les maîtres retrouvés” qu’il prépare actuellement, on peut imaginer que les églises recèlent des peintures perdues”. Que sont par exemple devenues les toiles disparues des églises de Paris à la Révolution, ou encore celles des Jésuites vendues après la dissolution de la Compagnie, en 1764 ? “Le XVIIe siècle reste un vaste champ d’investigation”, constate le conservateur d’Orléans. La preuve par treize, avec Baugin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Lubin Baugin, la preuve par treize

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