Éditorial

Les conséquences d’une embellie

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 331 mots

Les ventes aux enchères de Londres au mois de février ont confirmé une fois encore l’exceptionnelle santé du marché de l’art moderne et contemporain. Les maisons de vente ont enregistré de nombreux records, comme celui obtenu par une toile du peintre écossais Peter Doig, né en 1959, vendue environ 8,5 millions d’euros. L’ensemble de cette cession a totalisé plus de 583 millions d’euros. Cela laisse rêveur !
Cette embellie du marché n’est pas sans conséquences, à la fois pour les intervenants du secteur, mais aussi pour le monde des musées.
Grâce à ces revenus exceptionnels, les maisons de ventes ont aujourd’hui des capacités d’intervention décuplées et il est bien tentant pour elles d’augmenter leur contrôle sur l’ensemble de la « chaîne ». Ainsi, Sotheby’s et Christie’s seront-elles présentes sur le salon Tefaf Maastricht du 9 au 18 mars, la première par l’intermédiaire de la galerie Noortman Master Paintings (Maastricht), la seconde par celle d’une enseigne créée spécialement, King Street Fine Art Limited. Ce coup de force ne sera certainement pas du goût de nombre d’exposants de cette foire majeure. Pourtant, cette stratégie semble logique quand on sait que les auctioneers constituent aussi des stocks et ont parfois même des intérêts financiers sur des lots de leurs ventes. Un nouvel épisode vient de se nouer ces derniers jours avec le rachat par Christie’s de la galerie d’art contemporain Haunch of Venison. La maison de ventes se rapproche ainsi un peu plus encore du premier marché et d’un contrôle total des œuvres, dès leur sortie de l’atelier.
L’autre conséquence, toute aussi perverse, de l’embellie du marché est celle de donner le sentiment que les musées disposent de fortunes, dont d’aucuns estiment qu’il serait bon de tirer profit en monnaie sonnante et trébuchante. Ce raisonnement de comptable est pourtant à mille lieux de la culture muséale. Mais il permet aux politiques d’avoir une réponse clé en main aux directeurs de musées, dont ils ont coupé aujourd’hui l’essentiel des budgets d’acquisition. Un marché de dupe.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Les conséquences d’une embellie

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