L’eau du bain

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2016 - 352 mots

Entre les révélations des « Panama papers » et le procès des « cols rouges » de l’hôtel Drouot, la tentation est grande de jeter l’opprobre sur tout le marché de l’art dont ces affaires donnent l’impression qu’il est gangrené à ses deux extrémités. D’autant que ces agissements sont loin d’être des surprises, au moins pour les initiés. Que des collectionneurs (le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev) ou des marchands (les Nahmad) aient créé des sociétés offshore pour dissimuler des avoirs ou des plus-values sur les œuvres d’art derrière des prête-noms n’est pas une révélation. Ces comportements fautifs accompagnent l’envolée de la spéculation sur le marché de l’art comme sur les autres marchés. La place parisienne bruisse de rumeurs sur tel ou tel marchand qui a créé une société offshore pour loger des transactions secrètes et qui « oublie » de déclarer ces revenus au fisc français, invoquant pour sa défense que ce montage a été réalisé à la demande de ses clients. Le site de l’International Consortium of Investigative Journalists, à l’origine des « Panama papers », rapporte ainsi que les vendeurs de la collection Ganz chez Christie’s New York en novembre 1997, une vente qui marque le début de l’emballement du marché de l’art, n’étaient pas les héritiers mais une société offshore à qui les héritiers avaient cédé la collection quelque temps auparavant. Et s’agissant des « cols rouges », si seuls 43 commissionnaires et 4 commissaires-priseurs, un gérant de maison de ventes et un clerc sont traduits en justice, ce sont beaucoup plus de marchands et de manutentionnaires qui connaissaient ces manœuvres à Drouot, et ce depuis fort longtemps. Mais ne jetons pas le marché de l’art avec l’eau du bain. C’est grâce aux collectionneurs qu’il y a des artistes, c’est grâce aux galeries que les créateurs peuvent présenter leur travail, c’est grâce aux marchands aussi que l’histoire de l’art avance en redécouvrant des peintres, des designers oubliés, en réhabilitant des écoles et en réattribuant des œuvres. Le marché de l’art n’est pas exempt de magouilles, mais il n’en a pas le monopole et ces pratiques restent largement des exceptions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : L’eau du bain

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque