Chaque mois, Elizabeth Couturier présente un objet cher à un artiste. Ce mois-ci...

Le « René » de Di Rosa

Par Élisabeth Couturier · L'ŒIL

Le 19 mars 2014 - 682 mots

« René, c’est le tout premier personnage que j’ai dessiné et j’y suis terriblement attaché », explique avec enthousiasme Hervé Di Rosa.

Ce drôle de bonhomme constitue la figure récurrente des compositions figuratives aux couleurs pétaradantes de ce fou de BD, de rock et de dessins animés. Il l’a croqué en trois coups de crayon. Avec son œil de cyclope et son sourire en banane, son énorme tête posée sur son pantalon à rayures, René incarne un curieux Monsieur Tout le Monde. Solidement campé sur ses jambes, on l’imagine donner son avis sur tout et râler plus qu’à son tour. René le gentil beauf ? : « C’est le prototype du Français moyen, mais vivant dans le sud de la France ! », précise dans un grand éclat de rire Di Rosa, le Sétois. Il ajoute, l’œil plein de malice : « C’est la réponse française aux Simpson ! » Décliné à toutes les sauces, sous formes de décalcomanies, dessins animés et figurines en plastique, René a été la mascotte de la Figuration libre, un mouvement pictural apparu en France en 1981, et dont Di Rosa fut le turbulent chef de file : « Me porte-t-il chance ou pas ? Je n’en sais rien. Parfois oui, parfois non », s’interroge celui dont l’incroyable énergie guide tous les projets. Il marque une pause : « Suis-je superstitieux ? Pas plus que cela. Et pourtant, je mets toujours un petit René dans ma poche. C’est un réflexe ! » Actuellement, il trimballe partout un mini-René taillé dans un petit os et confectionné sur le modèle des sculptures sur ivoire de l’école de Foumban, au Cameroun.

René a subi moult métamorphoses. Il est de tous les voyages quand Di Rosa file aux quatre coins du monde pour s’initier auprès de maîtres artisans et réaliser ses images dirosesques via d’autres techniques artistiques traditionnelles : par exemple, la laque incrustée au Viêt Nam, la peinture sur verre en Tunisie, la sculpture en terre à Mexico ou encore l’art de l’icône en Bulgarie… Revêtu d’un casque et d’une saharienne, René se transforme en « colon », ces statuettes africaines pour touristes. Il figure aussi sur les panneaux publicitaires peints à la main à Kumasi au Ghana. Il existe, également, un René en papier mâché réalisé selon la tradition mexicaine et un René tiki, inspiré par les totems océaniens. Sous nos cieux, René est la figure récurrente de tout le design du tramway d’Aubagne. Di Rosa précise : « J’aime par dessus tout inventer des formes et des rapports de couleurs. René constitue le fil rouge de trente-cinq ans de carrière, la matrice de tous les autres personnages que j’ai pu inventer. J’ai grandi avec lui. » L’artiste a mis en scène la rencontre entre René et sa future femme, Renée, dans un tableau grandiose intitulé : Je t’aimerai normalement. Il lui a donné une famille, puisque les époux auront trois enfants : Renette et René Junior, plus l’adorable Bébé-René. Il y aura aussi René et ses copains, René et ses collègues de bureau, etc.

Et puis, un jour, allez savoir pourquoi, l’artiste décide de faire mourir sa créature et toute sa famille dans une peinture représentant une joyeuse apocalypse. Heureusement, René revient vite sous la forme de produits dérivés : tee-shirts, assiettes, mugs, carnets, etc. La parfaite panoplie marketing avec un sens étonnant du packaging. Ça démarre avec l’ouverture d’une boutique, rue du Renard à Paris, et ça culmine avec une série de dessins animés, 26 fois 26 minutes, produits en 2000 par Canal : « Des minutes chèrement payées : elles m’ont valu la brouille avec mon frère Buddy », raconte avec regret Di Rosa. Fin du premier acte. Depuis, René retrouve un rôle à sa mesure dans des peintures et des fresques grand format survitaminées. Plus en forme que jamais. À l’image de son créateur. 

Hervé Di Rosa est commissaire de lʼexposition « Makwacha », lʼart mural unique réalisé par les femmes de ce village de République démocratique du Congo (RDC)
Maison des Métallos, 94, rue Jean-Pierre-Timbaud, Paris-11e
du 8 avril au 27 avril 2014
www.maisondesmetallos.org

« Modestes tropiques »

Hervé Di Rosa, Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris-7e
du 4 mars au 18 mai 2014
www.quaibranly.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°667 du 1 avril 2014, avec le titre suivant : Le « René » de Di Rosa

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque