Editorial

La patrie reconnaissante

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2011 - 331 mots

Il faut saluer la généreuse décision d’Yvon Lambert de céder une grande partie de sa collection d’art contemporain à l’État avec mise en dépôt à Avignon (lire p. 3). Généreuse parce qu’il s’agit d’une donation sans contrepartie financière, ce qui n’est pas le cas de la dation en paiement de l’impôt sur la succession, ou du mécénat pour le financement d’une exposition, ou l’acquisition d’un trésor national. Le galeriste s’inscrit ici dans la lignée de Jean et Geneviève Masurel au LaM de Villeneuve d’Ascq, de Daniel Cordier au Musée national d’art moderne à Paris, d’Hélène Senn-Fould au Musée Malraux au Havre, ou de Paul Dini au musée éponyme à Villefranche-sur-Saône. C’est à dessein que je cite volontiers ces donateurs car c’est à ce prix que d’autres suivront. Nos lecteurs savent bien combien les donations sont une source majeure d’enrichissement des collections publiques. Le don d’Yvon Lambert est ainsi cinq fois plus important que les crédits d’acquisition d’un an du ministère de la Culture. Plus la collectivité saura aujourd’hui reconnaître ce geste, plus les collectionneurs actuels seront incités à se défaire de tout ou partie de leurs achats dans vingt ou trente ans. Il appartient également aux médias de hiérarchiser leurs éloges entre ceux qui exposent leur collection au public, certes à leurs frais mais qui valorisent ainsi leur patrimoine, et ceux qui s’en dessaisissent. Bien sûr Yvon Lambert n’est pas saint François d’Assise. Il a obtenu de son vivant que l’État et la Ville d’Avignon financent l’agrandissement des locaux de la bien nommée « Collection Lambert » et maintiennent dans son intégrité cette collection dont la constitution est en soi une œuvre intellectuelle. C’est d’ailleurs là que réside la difficulté d’accueillir des donations. Il n’est pas toujours possible de trouver des financements pour exposer en permanence ces collections, ni même de les conserver en l’état. Pourtant, la demande de reconnaissance est d’abord symbolique, ce qui n’est pas forcément coûteux et peut facilement être satisfait. Cela demande juste un peu de créativité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : La patrie reconnaissante

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