C’est la crise ! Énoncés comme un sauve-qui-peut dans la panique générale, ou simple constat désabusé du début de la fin, ces quelques mots disent à peu près tout et rien, mais chacun comprend que la situation n’est pas loin d’être désespérée.
Comme beaucoup d’autres secteurs – économique, politique, social, etc. –, l’art contemporain n’échappe pas à la crise. Une impression de crise permanente, qu’elle soit métaphorique ou bien réelle, comme la décrit l’essayiste et philosophe Myriam Revault d’Allonnes dans La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012, Édition du Seuil).
Mais qu’est-ce qu’une crise ? Un effondrement ? Un blocage ? Pas seulement, en réalité. Cette vision univoque oublie que la crise porte en elle-même son propre dépassement. Si l’on revient à l’étymologie du mot « crise », on trouve dans le grec ancien le mot krisis (de krinein, « séparer », « juger », « décider »). La « crise » n’est donc pas seulement un effondrement ou un blocage, mais un moment de discernement, de choix, de basculement. Bien entendu, on ne nie pas les difficultés que traversent certains professionnels du monde de l’art. Quand vous mettez la clé sous la porte (pour certaines galeries), ou quand vous rognez sur vos budgets artistiques ou de fonctionnement (pour la grande majorité des institutions), ce genre de messages d’espoir et de résilience paraissent bien mal à propos.
Pour autant, la crise est une épreuve de vérité et une invitation à se repenser. S’agissant de l’écosystème de l’art contemporain, elle incite à résoudre ce conflit entre l’expérience et l’horizon d’attente, qui condamne à l’immobilisme. Le grand dossier de ce numéro de L’Œil se veut le reflet de ce moment charnière. En analysant les mues du marché de l’art, en mettant à jour les pistes permettant à celui-ci de se régénérer. Et en proposant aussi une sélection de galeries à suivre, qu’elles soient historiques (mais résilientes), défricheuses de nouveaux talents et de nouvelles valeurs (conditions nécessaires à une sortie de crise) ou émergentes (et porteuses d’un nouveau regard sur l’art et son marché).
Peut-être doit-on acter la fin, sinon la forte diminution, des ventes spectaculaires, qui donnent toujours une image irrationnelle de la vitalité du marché, au profit de ventes plus modestes mais plus nombreuses et, surtout, qui sont le fait de nouveaux collectionneurs, avec de nouvelles attentes. Peut-être doit-on sortir des investissements spéculatifs en matière d’art, qui semblent plus que jamais risqués. Peut-être doit-on concomitamment remettre l’accent sur la question du sens et du temps long, seule maigre garantie d’une valeur artistique. Peut-être, enfin, doit-on repenser la diffusion des œuvres, en prenant en compte les nouveaux usages sociaux. Certains ont ouvert la voie depuis quelques années… Mais le marché de l’art contemporain doit maintenant trouver dans son ensemble les moyens de s’assurer un développement durable. Après tout, c’est aussi un mot dans l’air du temps.
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La crise, une opportunité ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°789 du 1 octobre 2025, avec le titre suivant : La crise, une opportunité ?







