La chronique d'Emmanuel Fessy : Candidats, encore un effort !

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 29 février 2012 - 438 mots

Nous le savions. Financièrement, les grands travaux sont souvent des bombes à retardement jetées dans le jardin d’un successeur. La Cour des comptes vient de nous le rappeler : entre 2007 et 2011, 35 grands chantiers du ministère de la Culture, achevés ou en cours de réalisation, ont absorbé 1,9 milliard d’euros soit 582 millions de plus que prévu.

Estimations financières « souvent sommaires », « programmation des travaux insuffisante » sont des raisons à nouveaux invoquées pour expliquer ce dépassement. La Philharmonie était estimée à 173 millions d’euros, elle l’est maintenant à 336,5 millions pour un achèvement en 2014. Au coût de l’investissement s’ajoutera celui du fonctionnement, qui rigidifiera le budget de la mission Culture et réduira la marge d’initiative de tout nouveau ministre. Ainsi, en prélude à l’ouverture de la Philharmonie et sachant que le ministère financera encore la Cité de la musique, la Cour invite ce dernier à « définir sans tarder les conditions d’exploitation de la Salle Pleyel après 2015 ». Enfin, dans ce chapitre financier, la Maison de l’histoire de France n’a pas encore écrit le sien. La différence désormais c’est la crise des dettes souveraines, la pression des agences de notation et la nécessité réclamée aussi par la Cour de réduire l’endettement public français. Dans sa réponse à la Cour, le ministère du Budget est clair : « ces investissements constitueront un enjeu majeur du prochain budget triennal : la question de leur rééchelonnement ou du renoncement à certains projets devra être posée ». La crise favorise un renforcement du pouvoir de Bercy sur la rue de Valois qui aura donc besoin d’une personnalité forte disposant de la durée. La campagne électorale Culture semble sourde à ces avertissements. Le secteur privé est appelé en secours. Bercy acceptera-t-il de voir les recettes fiscales diminuées par un accroissement du mécénat ? Et le privé voudra-t-il, pourra-t-il jouer ce rôle ? Exemple récent d’outre-Rhin : la Deutsche Bank ne renouvellera pas son accord avec le Guggenheim. 57 expositions en 15 ans, 1,8 million de visiteurs, des commandes passées à de grands artistes : le bilan du Guggenheim Berlin n’est en rien négatif, mais la banque fragilisée veut réduire ses dépenses. Succursales à Rio de Janeiro, Tokyo, Osaka, Salzbourg… le Guggenheim, avec sa politique d’expansion internationale, nous a bercé avec une valse d’annonces. Aujourd’hui, hormis les deux sites historiques, résistent Bilbao, un chantier à Abou Dhabi (pour 2017 ?) et une nouvelle annonce à Helsinki. Matière à réfléchir et à inviter les candidats à ne pas éluder la question des moyens. Et surtout de leur demander de dessiner ensuite d’autres perspectives que celles de la résignation.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : La chronique d'Emmanuel Fessy : Candidats, encore un effort !

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