Histoire

Histoire Imbroglio

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 21 janvier 2019 - 711 mots

PARIS

Histoire -  En France, les commentateurs ont été prolixes sur la question de la restitution du patrimoine africain. Ils ont été en revanche moins prompts à commenter l’actualité des restitutions des œuvres spoliées par les nazis. Fin décembre, pourtant, une conférence était organisée à Berlin pour célébrer les vingt ans de la conférence de Washington durant laquelle, en décembre 1998, quarante-quatre pays, dont la France, avaient signé une résolution en onze points visant à définir une politique de restitution commune. À l’époque, cette déclaration avait été jugée pleine de bonnes intentions, mais trop peu contraignante pour être efficace. De fait, vingt ans après, les avancées sont mitigées, la France apparaissant peu appliquée, en dépit des progrès significatifs accomplis sous les ministères d’Aurélie Filippetti et de Françoise Nyssen. Si le rapprochement entre les deux sujets, la restitution du patrimoine africain et celle des œuvres spoliées par les nazis, peut sembler incongru, il a déjà été fait en 2017 lors de la Biennale de Cassel, en Allemagne. Car, loin de s’inviter dans le seul débat politique à l’occasion d’un rapport (Sarr-Savoy pour le patrimoine africain) ou d’une affaire (Gurlitt, par exemple), ces questions s’invitent dans la création contemporaine depuis déjà longtemps. L’une des installations les plus emblématiques de Cassel fut, ainsi, celle de l’artiste allemande Maria Eichhorn, le Rose Valland Institute (du nom de cette héroïne qui, durant la guerre, a documenté au Jeu de paume le vol d’œuvres d’art par les nazis). Une autre, de l’artiste congolais Sammy Baloji, rassemblait des pièces prises à l’Afrique par les colons. En 2007, le plasticien suisse Uriel Orlow avait réalisé Le Visiteur, vidéo qui raconte la communication impossible entre un roi du Bénin et un visiteur occidental au sujet des bronzes pillés. La même année, Simon Starling installait de son côté Nachbau (Reconstruction) au Musée Folkwang à Essen, reconstitution à l’identique de salles du musée avant la guerre. Bien avant lui, l’Autrichien Arno Gisinger avait travaillé sur le sujet, en inventoriant les biens juifs autrichiens spoliés et conservés par l’équivalent du Mobilier national de Vienne (Invent Arisiert, 2000). Mais, me direz-vous, s’agit-il d’art, de politique ou d’histoire ? Et si l’art, la politique et l’histoire étaient tout simplement trois façons différentes d’analyser le monde ?

Imbroglio -  Quoi Brueghel, qu’est-ce qu’il a, Brueghel ? En 2019, il devait enfin recevoir les clés de sa « maison », située au 132 de la rue Haute, à Bruxelles. La Belgique offrait à l’artiste ce beau cadeau pour le 450e anniversaire de sa mort. Un cadeau qui se solde par un fiasco. En cause : un de ces imbroglios administratifs dont la Belgique fédérale a parfois le secret, qui impose à Pierre Brueghel de devoir patienter avant de retrouver, un jour, peut-être, le bâtiment qui le vit peindre quelques-uns de ses chefs-d’œuvre… Alors que c’était à Vienne qu’il fallait se rendre, jusqu’au 13 janvier, pour visiter la grande exposition sur le peintre, cet échec met un peu plus en lumière la pauvreté de la programmation de « l’année Brueghel » en Belgique : deux expositions de gravures – si admirables soient-elles. La situation est d’autant plus regrettable que les grandes commémorations nationales façonnent désormais les saisons culturelles de nombreux pays, dont celles des voisins néerlandais et français qui se sont fait les champions de ces célébrations à succès. Après Van Gogh, Bosch et Mondrian, les Pays-Bas consacrent ainsi tous leurs efforts à la commémoration, cette année, du 350e anniversaire de la disparition de Rembrandt. De son côté, la France met à l’honneur le protégé de François Ier emporté par la maladie au château du Clos Lucé, à Amboise, il y a cinq cents ans : Léonard de Vinci. En Belgique, cela devait donc être le tour, après Magritte, de Brueghel. La situation est d’autant plus « surréaliste », pour reprendre le titre de La Libre Belgique, que Pierre Brueghel, qui fut longtemps considéré comme un « second Bosch », fut sérieusement étudié à partir de la fin du XIXe siècle, lorsque la jeune nation belge se mit en quête d’un artiste national phare, Rubens étant alors jugé trop international. C’est dommage, car il faudra désormais patienter jusqu’en 2025, année du 500e anniversaire de la naissance présumée du maître, pour vivre une prochaine année Brueghel. À condition, bien sûr, que les leçons de ce premier rendez-vous manqué soient tirées.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Histoire Imbroglio

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque