Histoire de sous - Histoire de goût

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 7 novembre 2012 - 687 mots

Histoire de sous. « Je compte sur vous, parce que nous avons besoin de vous ! » La formule, bien connue des associations d’aide humanitaire, gagnerait-elle les musées ? On peut le penser en écoutant Claude Jeannerot, sénateur PS, président du conseil général du Doubs, lancer sur le site Internet du Musée Courbet à Ornans cet appel en faveur de l’acquisition du Chêne de Flagey de Gustave Courbet. « Le département, dans ce contexte de crise, n’a pas les moyens de mobiliser autant d’argent public, alors j’ai décidé de faire appel à vous », explique M. Jeannerot qui doit encore recueillir un million d’euros sur les quatre demandés par un collectionneur japonais avant d’accrocher au mur du musée du Doubs, mi-novembre, ce chef-d’œuvre aussi appelé Le Chêne de Vercingétorix. Un million d’euros, c’est peu et c’est beaucoup en regard des nombreux appels à souscription lancés récemment. Depuis octobre, parallèlement aux acquisitions déjà en cours du Livre d’heures de Jeanne de France par la Bnf et de L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint d’Ingres par le Musée des beaux-arts de Lyon, plusieurs institutions ont émis leur appel à mécénat. Le 18 octobre, le Musée Ingres a ouvert une souscription publique pour l’achat du tableau de Gilibert représentant Ingres visitant la nouvelle école de dessin de Montauban. Le 22 octobre, c’était au tour du Musée Unterlinden à Colmar de présenter sa campagne « J’aime l’art & il me le rend bien ! » proposant aux particuliers de « participer à la sauvegarde de leur patrimoine en s’associant, quel que soit le montant de leur don, à la restauration [de deux toiles de sa collection] ou à l’acquisition [d’une Vierge à l’Enfant] ». Le lendemain, le Louvre inaugurait lui aussi sa troisième campagne « Tous mécènes ! » afin de compléter un ensemble tronqué d’une Descente de Croix avec deux splendides statuettes d’ivoire. Le 7 novembre, le Centre des monuments nationaux rejoignait le mouvement avec l’opération « Devenez tous mécènes »… Opérateurs du patrimoine, grands et petits musées ont compris que, « dans ce contexte de crise », il leur faut être plus que jamais inventifs et, désormais, impliquer leurs publics dans la récolte de fonds. Il est vrai que les rares opérations déjà montées en France ont été un succès : en 2010, Les Trois Grâces de Cranach sont entrées au Louvre grâce à la générosité de plus de 7 000 donateurs quand, en septembre 2012, le château de Fontainebleau réussissait à réunir la somme nécessaire à la restauration du mobilier du Boudoir turc de Joséphine. Mais ces deux musées n’avaient pas (encore) à souffrir de la concurrence des appels aux dons. Qu’en sera-t-il demain, lorsque nous serons devenus « tous mécènes » ?

Histoire de goût. « Bohèmes » au Grand Palais et « L’impressionnisme et la mode » à Orsay, les deux expositions scénographiées par Robert Carsen, n’auront pas laissé la critique indifférente. Pour Le Figaro, abasourdi par la dernière salle d’Orsay, sa pelouse synthétique et ses gazouillis d’oiseaux, « cette fois Carsen en fait trop ». Il n’y manque « qu’un arrosage automatique », écrit Le Monde, qui juge par ailleurs les « Bohèmes » « trop bourgeoises » : l’exposition pâtit, dit le quotidien, « des interventions du scénographe Robert Carsen, qui accumule de salle en salle les stéréotypes les plus éculés, papiers peints à demi arrachés, cheminée vide », etc. La mise en scène du Grand Palais est parfois « trop littérale », juge Le Journal des Arts [groupe Artclair], quand l’exposition d’Orsay s’achève – sur la pelouse synthétique – par « une faute de goût ». Et nous pourrions multiplier les citations… Le grand public, lui, semble au contraire plébisciter ces deux accrochages. La fréquentation journalière de plus de 2 000 visiteurs au Grand Palais et 5 000 visiteurs à Orsay (où les salles sont combles) rappelle que ces manifestations sont aussi de grands rendez-vous populaires où un supplément de « fantaisie » est apprécié. Elle dit en outre que, face à la concurrence des expositions temporaires, les musées doivent là encore se démarquer. Au risque de diviser la critique et le grand public…

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Histoire de sous - Histoire de goût

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