Festival

Festivals d’été pour tous

Par Jacques Attali · Le Journal des Arts

Le 11 juillet 2018 - 535 mots

Dans la France d’aujourd’hui, cet été, il y a ceux qui auront les moyens et la chance d’assister aux grands festivals musicaux qui vont animer les lieux de villégiature, innombrables, de notre pays.

La Fabrique de l'Opéra à Orléans.
La Fabrique de l'Opéra à Orléans.

Ces festivals, rassemblant des artistes prestigieux et des publics avertis, constituent des éléments magnifiques, dont il faut être fier, de la grandeur du pays. Ils montrent à tous ceux qui s’y pressent l’incroyable vitalité culturelle de nos territoires. Ils constituent aussi, désormais, un secteur économique considérable, créateur d’emplois, inspirateurs et mécènes d’œuvres nouvelles, qui attirent les touristes du monde entier.

À coté d’eux fourmillent, jusque dans le plus petit village et pas seulement dans les régions les plus célébrées du tourisme international, un très grand nombre d’autres activités artistiques : festivals de théâtre, de danse, de lecture ; expositions de peinture ; salons du livre.

Pourtant, une grande partie de la France est oubliée dans cette fête générale : les quartiers où vivent la majorité des jeunes chômeurs d’aujourd’hui, des jeunes pleins d’énergie et de talents qui, pour la plupart, ne partent pas en vacances, ne fourmillent pas de festivals. Pratiquement rien d’artistique n’est proposé pour égayer leur été ; reflet cruel de la réalité de notre pays.

Bien sûr, il y a, conçus pour eux ou par eux, des initiatives magnifiques, dont celle de Laurent Bayle avec Démos (35 orchestres symphoniques, composés de jeunes musiciens issus des quartiers, avec des succès croissant à travers le pays) ; et, celle de Patrick Souillot avec la « Fabrique Opéra » (qui monte dans de nombreuses villes de France de grandes œuvres d’opéras avec la participation des élèves et des professeurs des lycées techniques, dans des salles populaires, attirant de larges publics, qui n’auraient jamais pensé à rentrer dans une maison d’opéra). Et tant d’autres. En particulier, des festivals de genres nouveaux, nés dans ces quartiers, du slam au hip-hop, du chant soufi à la musique africaine.

Il ne faudrait pas en rester là. Pas un quartier de France ne devrait être privé d’accès à la culture, et de ces moments de fête qui, pendant la pause estivale, rassemblent les plus privilégiés, exacerbent les sentiments d’injustice, de frustration, et épaississent le plafond de verre qui séparent les deux France.

Car il y a bien deux France. Celle à qui les chances de réussir, par les études et les réseaux, sont offertes. Et l’autre, qui n’a pas accès aux meilleures écoles, ni aux réseaux familiaux de soutien. Et c’est à cela qu’il est urgent d’offrir un accès à la culture ; dans l’intérêt de tous.

Plus même, un résultat complet ne sera atteint que quand les deux France se mêleront. Quand ceux des quartiers auront l’envie et les moyens de venir assister aux représentations des œuvres, intimidantes, données parfois très près de chez eux, dans les beaux quartiers. Et quand les habitués des festivals classiques comprendront qu’il y a une formidable créativité artistique dans tous ces festivals et ces expositions de genres nouveaux, qui se développeront dans l’autre France.

L’art est fait de ces mélanges, de ces rencontres, de ces chocs, de ces inventions. La France a là une formidable opportunité d’inventer et d’inspirer les artistes de la planète ; une fois de plus. Le voudra-t-elle ?

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Festivals d’été pour tous

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