Droit de réponse - Association Les Amis de l’atelier de Raymond Delamarre

Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2012 - 690 mots

Dans le cadre de la rubrique « Actualité de la recherche », a été publié dans le JdA no 365, (16 mars 2012) le résumé de la thèse de Béatrice Haurie « Les monuments publics de Raymond Delamarre », à la suite duquel nous avons reçu le droit de réponse suivant.

Comme ayants droit et comme Association des amis de l’Atelier Raymond Delamarre sculpteur, médailleur (1890-1986), il nous paraît utile de souligner l’important apport de ce sculpteur à l’histoire de l’art du XXe siècle.
L’école française de sculpture figurative à laquelle se réfère Raymond Delamarre, comme tant d’autres sculpteurs de grand talent, s’inscrit dans le cycle d’une grande lignée, celui de la statuaire. Un cycle repris une dernière fois, loin de toute décadence, de toute mièvrerie. Le caractère propre de cette reprise, à savoir son immanence, sa stabilité, devrait retenir l’attention. Son approche est si différente de celle de ses prédécesseurs immédiats, Rodin, Bourdelle, puis Coutan son professeur, sculpteurs davantage tournés vers le mouvement et la tension extrême des attitudes.
Si cette école tarde à être reconnue par les institutions culturelles de l’État, l’on sent un frémissement positif : des villes comme Boulogne-Billancourt, bientôt Mont-de-Marsan, Roubaix, Reims, ne craignent pas de la présenter dans leurs musées. Mais pour l’extérieur, beaucoup de monuments publics restent à protéger des intempéries, de la pollution, du vandalisme, des tags. Il faut donc se garder de rendre plus difficile encore une complète reconnaissance officielle.

Actif jusqu’à 96 ans, âge de son décès, Raymond Delamarre aura bénéficié d’une longue carrière. Chaque nouvelle œuvre en a marqué une évolution régulière : envois de Rome, Art déco, entre-deux guerres, guerre de 39-45, Libération, reconstruction, dernières œuvres, les plus sublimées. Un pas à pas artistique d’une créativité qui s’accommoderait mal d’un distinguo en deux parties, l’avant et l’après de la guerre de 39-45. Le propre de l’école à laquelle il appartient est sa continuité au travers des aléas de l’Histoire et sa résistance face à l’explosion du monde des arts.
Sur un autre plan, toute sculpture est d’abord décorative, à l’instar de la Danse par Carpeaux, devant l’Opéra. Mais les chefs-d’œuvre sont porteurs de valeurs et de sens plus enrichissants que le simple accompagnement d’un édifice, d’une place ou d’un parc. Certes, les bas-reliefs de Raymond Delamarre rendent compte d’une élégance de composition, d’une musique des formes, d’une clarté dans l’imbrication des éléments d’échelles différentes qui sont la marque de ce maître. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Car cette « surface » tisse une sculpture pétrie de culture, de mythologie, de légendes, d’Histoire, d’allusions aux richesses patrimoniales des pays : loin d’être anecdotique, c’est une connivence avec la société de son temps, avec le premier cercle de ceux et de celles qui faisaient alors leurs « Humanités ». De nombreux architectes, comme Roux-Spitz, Carlu, Mathon, ne s’y étaient pas trompés. Aujourd’hui, bien au-delà d’une simple histoire du goût, ces bas-reliefs nourrissent la curiosité d’un cercle élargi, celui de tous les passants.

Montrant une stupéfiante connaissance du corps humain, Raymond Delamarre s’attache à mettre en valeur la gravité et surtout l’intelligence des visages. Cela frappe dès que l’on étudie cet artiste. En tant qu’époux de Mariel Jean-Brunhes Delamarre, géographe et ethnologue de premier plan, active tant pour le vote des femmes dès l’avant-guerre que pour le social, il ne pouvait pour ses figures féminines s’en tenir à leur seul charme ; sans pour autant abandonner une grâce qu’il faut savoir discerner.
Enfin, on ne peut dissocier les monuments des centaines de médailles et plaquettes commandées par la Monnaie de Paris et la maison Arthus-Bertrand. Aux bas-reliefs de Louviers, de Grand-Couronne, du Chemin de croix d’Orival, de la chapelle du CHU de Nantes, du monument aux morts de Brest, répondent ces petits chefs-d’œuvre des provinces ou des villes. Agrandis en immenses projections, ils donnent d’époustouflants bas-reliefs.

En conclusion, le XXe siècle les a aimés puis abandonnés ; à nous de restaurer notre considération pour ces artistes qui ont suivi un même chemin d’autonomie. Comme leur œuvre, celle de Raymond Delamarre offre aujourd’hui aux nouvelles générations le témoignage d’une probité sans compromission, faite de savoir et de foi artistiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Droit de réponse - Association Les Amis de l’atelier de Raymond Delamarre

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