Désacralisation

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 327 mots

« Être clairement identifié comme un musée, cela nous protège de la polémique », dit Mercedes Erra, la présidente de l’ex-Cité de l’immigration devenue Musée de l’immigration, dans l’entretien qu’elle a accordé au Journal des Arts.

Le calcul se tient : les musées, ces temples de la culture bénéficient d’une image de respectabilité bâtie sur des collections d’art a priori consensuelle et un discours savant. Oui, mais cette confiance ne risque-t-elle pas de s’effriter à mesure que ces institutions investissent les sujets de société ? Si les controverses sur l’attribution à Goya d’un de ses autoportraits dépassent rarement le cercle des spécialistes, le grand public est plus directement concerné par l’histoire, les religions, l’anthropologie et peut donc être facilement manœuvré par des pétitionnaires de bonne ou mauvaise foi. L’universitaire Camille Mazé, dans un ouvrage consacré aux musées de l’Europe (page 37) parle de « théâtre d’affrontement » quand il s’agit de se mettre d’accord sur une histoire de l’Europe. Lorsque le Musée d’Orsay organise des expositions temporaires sur les thèmes du crime (« Crime et châtiment »), Sade et demain la prostitution, il s’aventure sur un terrain plus miné que les champs colorés des impressionnistes. Même la Cour des comptes, ce scrupuleux auditeur des comptes publics, évoque à demi-mot la difficulté du positionnement des musées de société dans le rapport qu’elle consacre au MuCEM (page 5). D’autres polémiques risquent de banaliser l’image des musées : la façon dont les entreprises mécènes gagnent leur argent (page 38), les expositions complaisantes (le Coréen Ahae au Louvre) ou le « blanchiment » muséal. Cette dernière technique, qui consiste à exposer des œuvres appartenant à des collectionneurs privés pour leur donner une onction publique et ainsi accroître leur valeur sur le marché tend à se multiplier dangereusement avec l’art contemporain. La désacralisation des musées est en marche, comme celle de toutes nos institutions, c’est inévitable. Et comme toutes les grandes entreprises, ils changeront périodiquement de logo pour espérer renouveler leur image.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Désacralisation

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