Coups de grisou

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 14 septembre 2012 - 601 mots

Les déclarations étaient prévisibles, attendues même. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a annoncé l’arrêt des « grands chantiers » lancés par le précédent locataire de la Rue de Valois, Frédéric Mitterrand. Toujours au stade embryonnaire, la Maison de l’histoire  de France est ainsi enterrée et ne rejoindra donc pas les Archives nationales dont le personnel est visiblement soulagé. « Contestable idéologiquement », le projet était par ailleurs « coûteux », a affirmé la ministre sur France Inter. Tout juste restera-t-il donc un site Internet, puisque l’établissement public de la MHF, dirigé par Maryvonne de Saint-Pulgent, a bel et bien été créé en janvier. Fini aussi pour l’hôtel de Nevers qui devait, après l’annonce de M. Mitterrand en juillet 2011, exposer la photographie patrimoniale en remplacement de l’ancien hôtel de Sully à Paris revenu dans le giron du Centre des monuments nationaux. Le Centre des réserves du Louvre à Cergy, le Centre d’art pariétal « Lascaux 4 », la future salle de la Comédie-Française… interrompus eux-aussi ! Quant aux dossiers de l’hôtel de la Marine (place de la Concorde), de la tour Utrillo (la Villa Médicis de Clichy-Montfermeil) et des Archives photographiques d’Arles, ils sont au mieux suspendus, au pire gelés. « On traverse une crise économique d’une gravité inouïe. Tout le monde doit être mis à contribution », a déclaré dans Le Monde Aurélie Filippetti, qui pourrait révéler dans les prochains jours une baisse significative de son budget – autour de  % dit-on. La ministre de la Culture a-t-elle lu Der Kulturinfarkt (L’Infarctus culturel), cet ouvrage écrit par quatre spécialistes allemands et qui crée, depuis sa parution en mars, la polémique outre-Rhin ? Le livre préconise en effet de « renoncer à la moitié des institutions culturelles existantes pour développer avec les fonds ainsi libérés d’autres champs culturels ». Autrement dit, d’économiser des frais de fonctionnement pour les redistribuer vers la création pure. Si cet essai a « le grand mérite de poser les termes [du problème] de l’impasse face à laquelle se trouvent aujourd’hui les politiques culturelles » européennes (Guillaume Cerutti dans Le Huffington Post), on comprendra qu’il ne faut pas tout de suite le mettre entre toutes les mains. À commencer par celles d’Aurélie Filippetti et du gouvernement…

Coup de poker.
Jean-François Hébert en a la claire conscience : en lançant l’opération « Des mécènes pour Fontainebleau » en vue de restaurer le mobilier du Boudoir turc de l’impératrice Joséphine (exposé jusqu’au 29 septembre à la galerie Aveline, à Paris), le président du château de Fontainebleau joue à pile ou face. Face : si l’opération ne lui permet pas de récolter les plus de 200 000 euros qui manquent à la restauration, « l’autre château » s’exposera aux quolibets et devra réfléchir à de prochaines opérations moins médiatiques. Pile : l’opération est au contraire un succès et Fontainebleau devient alors l’instigateur d’une forme originale de mécénat. Ce que, en ces temps de disette budgétaire, l’on ne peut que souhaiter…

Coup de maître.
« La culture est aussi un investissement qui permet à des territoires d’être plus attractifs », a déclaré le président François Hollande en déplacement cet été à Avignon. Ce que ne contrediront pas les décideurs du Nord-Pas-de-Calais – au premier rang desquels Martine Aubry, sa rivale malheureuse lors des primaires socialistes –, qui ont fait de la culture une locomotive économique au sein d’une région industriellement sinistrée. Lancement de « lille3000 Fantastic » dans quelques jours, inauguration du Louvre-Lens dans quelques semaines… voilà qui devrait braquer les projecteurs en direction de la culture et, qui sait ?, redonner l’ambition d’entreprendre à ceux qui en auraient besoin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°650 du 1 octobre 2012, avec le titre suivant : Coups de grisou

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