Chronique

Agathe, Maja

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2013 - 475 mots

Cet automne, l’une va clore un chapitre de sa biographie, l’autre devrait pouvoir – enfin – en ouvrir un nouveau.

Toutes deux sont des pionnières dans leur domaine, le marché pour la première, le mécénat pour la seconde, des femmes d’engagement et de ténacité. En 1975, Agathe Gaillard a été la première à ouvrir en France une galerie vouée exclusivement à la photographie, à une époque où le médium était loin d’avoir la reconnaissance et le succès actuels, où étaient seulement bien connues une galerie à New York et une autre à Cologne. Suivirent à Paris les galeries d’Alain, puis Françoise Paviot, Michèle Chomette, Zabriskie… Sa galerie « n’avait pas pour but de s’insérer dans l’art contemporain, mais d’y faire entrer la photographie dans sa spécificité ». Au fil de 250 expositions, de Ralph Gibson à Bernard Faucon, elle l’a atteint en défendant l’objet photographique et en ne cédant pas aux sirènes de la mode du tout image, en bâtissant une relation de confiance avec les auteurs. Elle vient de publier Mémoires d’une galerie (Gallimard), elle a baissé le rideau du 3 rue du Pont-Louis-Philippe, et le 14 novembre Christie’s frappera un dernier coup en dispersant 169 tirages issus de sa collection : les photographes qu’elle a défendus, André Kertész, Manuel Álvarez Bravo, Édouard Boubat, Robert Doisneau, Larry Clark, Michel Journiac, Harold Edgerton… Agathe Gaillard était présente aussi à l’émergence de musées ou de festivals, comme les Rencontres d’Arles.

C’est dans cette commune de 50 000 habitants que Maja Hoffmann veut financer et faire construire un projet artistique digne d’une métropole européenne : espaces d’exposition et de conservation, résidences d’artistes, centre éducatif… (coût : 100 millions d’euros). Cet été, les permis de construire, tant celui de la tour conçue par Frank Gehry que ceux de la réhabilitation de bâtiments et de la création d’un parc-jardin, ont été finalement signés. Après conclusion des cessions foncières, les travaux pourraient débuter à l’automne sur l’ancien Parc des Ateliers de la SNCF. La livraison de l’ensemble est envisagée désormais pour 2017. Dix ans après la présentation du projet par la mécène ! D’origine bâloise, cohéritière des laboratoires Hoffmann-La Roche, mais amoureuse de la cité provençale et de la Camargue où elle a grandi, Maja Hoffmann a tenu bon. En mars 2011, la commission nationale des monuments historiques avait rendu un avis défavorable à la proposition initiale déposée par la Fondation Luma qu’elle avait créée en 2004 pour soutenir les Rencontres d’Arles, mais aussi le New Museum de New York, le Palais de Tokyo, les créations de Roni Horn, Olafur Eliasson, Doug Aitken… Elle n’a pas abandonné, heureusement et les architectes ont revu leur projet. Du haut de ses 56 mètres, la tour va porter Arles (municipalité autrefois en faillite) et sa région vers une autre dimension, comme une galerie avait ouvert une voie pour la reconnaissance de la photographie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : Agathe, Maja

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