Adieu l’artiste

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 315 mots

Il n’aura pas eu le temps d’achever sa dernière exposition organisée à Bruxelles pour les 175 ans de la Belgique – et dont l’inauguration avait été repoussée au 4 mars à cause de son état de santé –, une grande fresque comme il en avait le secret, à l’image de celles qu’il avait déjà imaginées pour la Suisse ou l’Autriche. Avec la disparition d’Harald Szeemann s’éteint l’une des figures les plus importantes de la scène de l’art contemporain de ces quarante dernières années, un personnage atypique, inventeur et visionnaire. Inventeur, il l’a été à de nombreux titres. D’abord avec l’exposition devenue mythique « Quand les attitudes deviennent formes », à Berne en 1969, dans laquelle pour la première fois est mise en évidence la nouvelle approche d’une génération d’artistes qui ne se contentent plus de livrer des œuvres prêtes à être accrochées : « Les artistes de cette exposition ne sont pas des faiseurs d’objets, ils cherchent, au contraire, à leur échapper et élargissent ainsi ses niveaux signifiants afin d’atteindre l’essentiel en deçà de l’objet, d’être la situation. Ils veulent que le processus artistique soit encore visible dans le produit final et “l’exposition” », écrit-il dans le catalogue. Ensuite, inventeur de l’activité de commissaire d’exposition indépendant, « curateur » comme l’on dit aujourd’hui, un métier de la pensée de l’exposition en tant que révélatrice artistique, d’accompagnement de la réflexion des artistes mais aussi de rencontres, de découvertes de « l’autre », titre qu’il avait donné à la 4e Biennale d’art contemporain de Lyon (1997), dont il était le commissaire. Visionnaire enfin, comme ses expositions consacrées à la Suisse, l’Autriche et aujourd’hui la Belgique, en s’aventurant en dehors des sentiers balisés de l’art contemporain, en explorant du côté de l’art brut, du cinéma, ou des enjeux de société. Les visions d’Harald Szeemann ne laissaient personne indifférent. Elles continueront encore longtemps de stimuler des générations de curateurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Adieu l’artiste

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