Musée

Les collections d’Unterlinden

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 14 décembre 2015 - 815 mots

Si le musée possède l’un des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art (le retable d’Issenheim), il a su développer des collections liées aux Écoles de Paris et à l’art abstrait qui font aussi sa force.

Comme l’écrasante majorité des musées nés dans le sillage de la Révolution, Unterlinden présente des collections parcellaires liées à l’histoire de son territoire. Son fonds originel, constitué des séquestres des biens du clergé, est ainsi centré sur les primitifs rhénans. Le musée conserve donc plusieurs pièces insignes provenant des puissantes églises de la région, dont les retables d’Orlier et des Dominicains de Martin Schongauer. Unterlinden possède d’ailleurs la plus riche collection d’œuvres de ce peintre colmarien, alliant le naturalisme flamand à la douceur rhénane, soit deux de ses sept ensembles peints et 87 des 116 estampes qui lui sont attribuées.

Des collections riches mais identitaires
Le musée est avant tout célèbre pour abriter la « Joconde germanique » : le retable d’Issenheim. Peint par Matthias Grünewald et sculpté par Nicolas de Haguenau, il s’agit d’un impressionnant polyptyque à double ouverture permettant trois présentations déterminées par le calendrier liturgique. Puissamment coloré et expressionniste, il se compose de sept panneaux peints et de dix sculptures. L’ensemble illustre plusieurs épisodes de la vie du Christ et de saint Antoine l’ermite, dont une terrifiante crucifixion.

Si le Moyen Âge et la Renaissance sont bien représentés, les collections accusent toutefois d’importants fossés chronologiques. Les époques antérieures sont présentes via des fonds d’archéologie locale, mais les temps modernes sont en revanche quasi absents. Rien ou presque entre la Renaissance et la fin du XIXe, hormis quelques œuvres locales dont l’intérêt est souvent plus documentaire que plastique et des ensembles d’arts décoratifs. Il ne faut pas oublier qu’après la guerre de 1870, Colmar tombe dans le giron allemand et ne bénéficie plus, par conséquent, des envois de l’État qui ont permis à tant de musées de combler leurs lacunes. Pourtant, même après la fin de l’annexion, la tonalité régionale domine encore les axes d’enrichissement.

Le virage moderne
À partir de 1960, la situation change radicalement à l’initiative d’Alfred Betz. Le président de la Société Schongauer souhaite ouvrir l’institution à l’art moderne et initie une politique d’exposition et d’acquisition soutenue qui rend rapidement inévitable la création d’une galerie souterraine, inaugurée en 1975. D’emblée, le musée cible des courants spécifiques. Compte tenu de ses moyens financiers, il ne peut s’offrir les avant-gardes historiques, à quelques exceptions près, comme Monet ou Delaunay. La politique d’acquisition s’oriente massivement dans des directions plus accessibles : les Écoles de Paris et la peinture abstraite depuis 1950. En écho à sa propre histoire, Colmar privilégie aussi les artistes allemands étroitement liés à la France et acquiert notamment des œuvres réalisées par Otto Dix lors de son internement en Alsace en 1945. La collection moderne est tout sauf encyclopédique. Cependant, l’établissement est une référence pour les courants sur lesquels il a misé, avec des pièces majeures de Magnelli, Soulages, Van Velde, Bazaine, Manessier ou encore de Staël.

La politique d’exposition volontariste d’Unterlinden et son axe d’enrichissement un peu à contre-courant ont également encouragé les dons et dépôts, y compris de la part du voisin d’outre-Rhin, à l’image du dépôt de tableaux consenti par les Archives Baumeister de Stuttgart. Le Musée national d’art moderne soutient aussi le musée de longue date. Il a, entre autres, renforcé la présence de Serge Poliakoff à Colmar en déposant un ensemble magistral : Composition murale 1965-1967. La perspective de l’agrandissement du musée a aussi clairement favorisé les donations. La donation puis le legs de Jean-Paul Person ont permis de faire entrer près de 140 œuvres modernes de premier ordre : Derain, Rodin, Soutine, César et surtout Dubuffet dont Unterlinden détient désormais le plus riche fonds en région. La générosité du collectionneur a en outre contribué à transformer quelque peu la physionomie de la collection jusqu’ici pauvre en art figuratif et en sculpture.

L’écrin du retable d’Issenheim

C’est ici que tout a commencé. À son ouverture en 1853, le Musée Unterlinden se résumait en effet à une seule salle : la chapelle. Une foule d’œuvres accrochées à touche-touche côtoyaient alors le retable d’Issenheim (1512-1516). Si, au fil des ans, le musée a envahi l’ensemble du bâtiment conventuel, le chef-d’œuvre de Matthias Grünewald et de Nicolas de Haguenau a en revanche toujours été exposé entre ces murs. L’agrandissement du musée ne change pas la donne et le polyptyque demeure à cet emplacement. Pour assurer la conservation optimale de cette icône, la chapelle a fait l’objet d’une campagne de restauration portant sur la toiture, les verrières et les charpentes mais aussi les murs et le sol. Parallèlement, la présentation de l’œuvre a été repensée. Elle trône désormais seule dans le chœur afin de bénéficier de davantage d’espace, tandis que quelques œuvres réalisées à la même époque en Alsace ont été rassemblées dans la nef afin de montrer l’influence du retable autant que sa singularité.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Les collections d’Unterlinden

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