Architecture

Un Lemercier sans concession

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 16 décembre 2005 - 534 mots

Publiée grâce au soutien du Centre allemand d’histoire de l’art, cette thèse érudite met en lumière l’œuvre de l’architecte attitré de Richelieu.

Au palmarès des grands architectes français du XVIIe siècle, Jacques Lemercier (avant 1586-1654) fait partie, à n’en pas douter, des grands oubliés. Il fut occulté, comme ses homologues Salomon de Brosse, Antoine Le Pautre ou Pierre Le Muet, par la seule grande figure à s’être affirmée au-delà du cercle des initiés : François Mansart, dont la belle exposition au Centre historique des archives nationales, à Paris, en 1998, avait été l’occasion d’une publication comme l’histoire de l’architecture en produit trop peu. Si l’ombre du grand Mansart est indéniable, il semble toutefois que, dans le cas de Lemercier, l’infortune critique ait pesé très tôt en sa défaveur. Alors que dès les années 1630 il est à l’apogée de sa carrière, travaillant au service des plus puissants (Marie de Médicis, Richelieu ou Anne d’Autriche) à qui il livre ses réalisations majeures à la Sorbonne, au Palais-Cardinal ou au Val-de-Grâce, l’architecte subit rapidement le mépris des exégètes. « Bon pour l’art d’église, mauvais pour l’art civil », aurait ainsi commenté un Dézallier d’Argenville (1680-1765) peu amène. Lemercier a probablement souffert de son image d’architecte officiel qui, avant d’obtenir la consécration avec le titre de « Premier architecte du roi » en 1639, était devenu le bâtisseur attitré de Richelieu. Pendant près de quinze ans, ce descendant d’une lignée de maîtres maçons a su satisfaire les goûts fastueux de « l’Homme en rouge ». Il construit son palais parisien (l’ancien Palais-Royal, reconstruit au XVIIIe siècle), mais aussi l’ensemble érigé ex nihilo dans le duché-pairie éponyme du cardinal, à Richelieu, dans le Poitou, articulant un élégant château (détruit) à une cité administrative idéale dotée d’une imposante parure monumentale.

Solutions originales
Fruit d’un patient travail de recherche dans les maigres archives, cette épaisse somme signée Alexandre Gady restitue au fil des pages le portrait de celui dont Philippe de Champaigne nous a laissé une image des plus austères, sans pour autant verser dans l’hagiographie. « Lemercier est un artiste original et varié, mettant en œuvre avec succès des programmes très divers, recherchant des solutions plus ou moins réussies, mais presque toujours originales. Il ressort aussi […] qu’il s’agit d’un artiste inégal, des plus attachants donc : dans son œuvre, le meilleur côtoie le moyen, et l’on sent parfois l’effort », remarque l’auteur, maître de conférence à l’université Paris-IV-Sorbonne. Sa production prolifique, patiemment analysée et revue par Alexandre Gady, qui en établit et corrige le catalogue sur la seule foi des archives ou des sources contemporaines, revêt en effet une certaine singularité. En étant l’un des rares architectes de l’époque à s’être formé au cours d’un long séjour romain, Lemercier est pétri d’une culture savante mêlée d’italianismes, qu’il distille en les revisitant à l’aune de son savoir-faire de maître maçon français, comme en témoignent les églises parisiennes de l’Oratoire ou Saint-Roch. « Ainsi, l’art de Lemercier pourrait-il se définir comme le creuset où ces différentes cultures tentèrent de se fondre », conclut Alexandre Gady.

Alexandre Gady, Jacques Lemercier, architecte et ingénieur du roi, éd. de la Maison des sciences de l’Homme, 2005, 499 pages, 366 ill., 96 euros, ISBN 2-7351-1042-7.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Un Lemercier sans concession

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