Tout Picasso

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 366 mots

Tout a été dit sur Pablo Ruiz y Picasso, mais la matière de son œuvre est depuis longtemps réputée inépuisable. La dernière monographie du siècle qu’il aura tant marqué propose une synthèse aussi complète que possible de sa vie et de son œuvre.

“Il faut l’oublier pour le redécouvrir”, disait de Picasso Jean Hélion. Si l’on en juge pourtant par la somme d’expositions et d’ouvrages qui lui sont régulièrement consacrés et dont le rythme ne s’infléchit pas, il n’est pas si facile d’oublier l’auteur des Demoiselles d’Avignon, l’inventeur du Cubisme, le décorateur des Ballets russes, le commentateur avisé de Vélasquez et de Manet, le peintre qui a cristallisé dans son œuvre toutes les passions et contradictions du vingtième siècle. Mais peu à peu le temps accomplit son ouvrage et, si l’on ne peut guère s’attendre à des découvertes ou à des révélations, il devient possible d’envisager Picasso du début à la fin, de Malaga à Mougins, sans privilégier exclusivement les étapes historiques de son travail. Les quelque mille deux cents reproductions de cette monographie et les textes qui les accompagnent, avec clarté et précision, opèrent un tel rééquilibrage, loin des commentaires assassins qui furent souvent portés sur la dernière période.

Comme Duchamp, mais avec des moyens diamétralement opposés et une intelligence qui ne lui cède en rien, Picasso a transgressé la question du goût en contrevenant à l’idéologie de l’art. “Moins il y a d’art, plus il y a de peinture”, pouvait-il déclarer. Pareille affirmation, dont les causes et les effets sont évidemment cruciaux, va de pair avec une haute conscience du rôle du peintre, qui rend finalement indissociables la vie privée, les œuvres et les aspirations universelles. Il y a bel et bien chez lui une dimension théâtrale qui s’exprime aussi bien dans son rapport aux femmes que dans ses engagements politiques, mais elle ne saurait masquer ni amoindrir la puissance mythologique dont Picasso se savait l’incarnation. S’il a parfois cédé à l’exaltation qu’elle induisait, il a cependant préservé la réalité humaine et parfois pathétique de la peinture, dont témoignent magistralement ses ultimes autoportraits.

- B. Léal, C.Piot, M-L Bernadac, La Monographie Picasso, 1881-1973, Éditions de La Martinière, 504 p., 850 francs. ISBN : 2-7324-2529-X.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Tout Picasso

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