La rencontre du jazz et de l’art, au gré de cette divagation musicale inspirée par le sommaire de ce numéro, raconte la naissance de la bossa nova.
C’est un tableau où il fait toujours beau, où le bleu du ciel jalouse celui de la mer. Vinicius de Moraes, le poète-diplomate est dans la baignoire, avec son chapeau, à la façon de Michel Piccoli dans Le Mépris. En travers de cette baignoire qui est un vrai lieu de rendez-vous, une tablette sur laquelle est posée la Remington d’où se sont envolées les plus belles paroles de la musique brésilienne, et peut-être de la musique tout court. Tout près de lui se tient le compositeur Antônio Carlos Jobim, rêvant encore, peut-être, à cette si jolie fille qu’ils voyaient passer depuis la terrasse du bar Veloso, « a caminho do mar », sur le chemin de la plage d’Ipanema. Bientôt, elle leur inspirerait un tube planétaire. La « garôta » avait dix-sept ans. À peine plus que celle que l’on a surnommée la « muse de la bossa nova », guitariste, puis chanteuse, fille d’un avocat suffisamment fortuné et ouvert d’esprit pour laisser sa toute jeune fille (14 ans, on croit rêver) inviter la bohème carioca, guitare en main et saudade au cœur dans leur grand appartement avec vue sur la mer à Copacabana, Edifício des Champs-Élysées. Nara Leão a toujours raconté que c’était chez elle qu’était née la bossa nova, dès la fin des années 1950. Que cet appartement était un vrai moulin ouvert aux quatre vents, des idées, des notes, des rires et des sentiments. Où la musique résonnait jour et nuit, où l’on oubliait de dormir mais jamais de s’amuser. João Gilberto, lui, n’était pas là, dans son petit costume marron. Caractère ombrageux, il aurait gâché la fête. Il était « desafinado », comme le titre de sa chanson, « pas dans le ton ». On dit que Baden Powell était là, lui, assis sur le bidet, sa guitare dans les mains et dans la tête la future « Samba Saravah » que le monde découvrirait dans un film de Claude Lelouch. On dit aussi que, si cette musique était si douce, c’était pour ne pas gêner les voisins. On dit beaucoup de légendes fausses sur cette période : cela ressemble à un tableau créé avec l’intelligence artificielle. Tant pis pour les incohérences. C’est dans l’air du temps. Tiède, l’air, comme le vent de Rio de Janeiro.
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Tout commence à Copacabana
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Tout commence à Copacabana