Thomas Jones - Journal de Voyage à Rome et Naples

Par Adrien Goetz · L'ŒIL

Le 1 juillet 2001 - 335 mots

On croirait presque lire un roman de formation du XVIIIe siècle, avec sa succession de rencontres, de scènes d’auberge, de coïncidences, de visites dans des palais princiers et ses longues rêveries d’un promeneur solitaire, anglais, dans la campagne romaine et devant la baie de Naples. L’auteur, Thomas Jones (1742-1803), a un œil de peintre. La récente exposition consacrée au Grand Tour et aux paysages d’Italie (L’Œil n°525) a montré ses extraordinaire tableautins où, en quelques touches, Jones suggère un instant, fixe la tache bleue d’un drap pendu à une fenêtre, le grain d’un mur qui s’écaille sous le soleil et, surtout, les merveilleux nuages. Les Mémoires du paysagistes gallois sont plus qu’un passionnant témoignage de première main sur le phénomène du Grand Tour. Ils donnent à sentir, avec une fraîcheur extraordinaire, cet éblouissement de l’Italie. Aucune sensiblerie, peu de drame, pas de mise en scène. Avec des phrases brèves et tranchantes, une exactitude qui est celle de ses petites « vues », Jones saisit sur le vif ses paysages. Quand les mots lui manquent, comme devant le Vésuve, il trace un croquis au milieu de la page. Sur ce croquis, des lettres qui lui servent à décrire : A, B, C... Pour comprendre l’histoire de ce regard d’acier qui aboutit à ces études peintes qui émeuvent autant aujourd’hui, il faut avoir lu ce journal. Il est rare de pouvoir entrer ainsi littéralement dans la vision de l’artiste, de participer à sa manière de voir, à ses cadrages inattendus, à ses émotions rentrées. Au fil des pages, l’Italie de la fin du XVIIIe siècle renaît comme l’Antiquité resurgit alors avec les fouilles secrètes d’Herculanum : « Aujourd’hui, un homme a été décapité au moyen de la machine qui avait servi pour l’abbé Anguilla en juillet dernier ». Voilà une phrase que Stendhal eût aimé écrire.

- Thomas Jones, Journal de Voyage à Rome et Naples, 1776-1783, traduit de l’anglais par Isabelle Baudino et Jacques Carré, éd. Gérard Monfort, 280 p., 120 F, ISBN 285 226 5400.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°528 du 1 juillet 2001, avec le titre suivant : Thomas Jones - Journal de Voyage à Rome et Naples

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