Histoire de l'art - Livre

Sculpter le crépuscule des Médicis

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 28 février 2024 - 450 mots

Kira d’Alburquerque livre une étude détaillée des conditions de formation et de travail des sculpteurs œuvrant à Florence entre les XVIIe et XVIIIe siècles.

Dans le récit canonique de l’histoire de l’art, Florence est une ville du quattrocento : son XVIe siècle serait celui d’une décadence maniériste, alors que dire de son XVIIe ? Dans son ouvrage paru aux Éditions du comité des travaux historiques et scientifiques (adapté d’une thèse soutenue en 2015 à l’École pratique des hautes études), Kira d’Alburquerque s’intéresse aux sculpteurs de ce seicento que l’on imagine volontiers romain, napolitain, mais un peu moins florentin. Le règne de Cosme III de Médicis, puis celui de Jean-Gaston, dans une moindre mesure, constituent toutefois un moment de renouveau du mécénat et de la commande artistique de la famille régnante. L’ouverture, temporaire, d’une académie florentine à Rome, sur le modèle français, témoigne de cette politique en faveur des arts.

La recherche menée par Kira d’Alburquerque – conservatrice au département Arts décoratifs et sculptures du Victoria and Albert Museum (Londres) – porte sur les conditions matérielles de l’éclosion de ce moment artistique, dont la grande figure est le sculpteur Giovanni Battista Foggini (1652-1725). L’historienne de l’art accorde une attention toute particulière aux lieux de formation, ou de production (ateliers privés, mais surtout publics, comme la Sapienza ou le Borgo Pinti, fondé par Giambologna) des sculpteurs florentins. Le dessin, comme lors des siècles précédents, occupe une place centrale dans le processus de production des ateliers de sculptures et suscite des échanges entre le duc protecteur et commanditaire avec ses artistes : on retrouve ainsi, dans les archives, des documents présentant l’étude de nu et du dessin comme base de toute formation pour les artistes, à un duc qui devait y voir une dépense supplémentaire.

« Une sociologie des ateliers »

L’approche très matérialiste de l’ouvrage permet d’éclairer le statut et les revenus des sculpteurs florentins, qui jouissent d’un salaire confortable et d’ateliers-logement mis à disposition. De grandes disparités existent néanmoins dans les ateliers, où le tailleur de pierre ou le doreur recevaient une rémunération d’ouvrier. Cette sociologie des ateliers, comme l’étude fine des institutions et des lieux de production, souffre parfois d’une mise à distance du sujet premier de l’histoire de l’art, à savoir les œuvres. À ce titre, la dernière partie intitulée « Le sculpteur, inventeur et maître d’œuvre » est certainement la plus intéressante. À nouveau, le rôle du dessin y est précisé, cette fois dans la chaîne de production où il cohabite avec les modèles en cire ou en argile. L’introduction de la notion de « maître d’œuvre » permet ici de mieux comprendre le rôle de l’artiste, dont le commanditaire n’attend pas forcément une intervention directe sur la pierre, mais plutôt une conception d’ensemble.

Kira d’Alburquerque, Être sculpteur à Florence au temps des derniers Médicis,
CTHS et INHA, 2023, 320 pages, 35 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°628 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Sculpter le crépuscule des Médicis

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