Livre

HISTOIRE DE L’ART

Représentation et dislocation de la face humaine

Par Marie Zawisza · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2023 - 323 mots

Cette citation de l’écrivain Georg Büchner (La Mort de Danton, 1835) ouvre l’un des chapitres de Face au visage, ouvrage aussi intelligent que sensible d’Itzhak Goldberg.

Face au visage par Itzhak Goldberg, 240 p., 69 €. © Citadelles & Mazenod
Face au visage par Itzhak Goldberg, 240 p., 69 €.
© Citadelles & Mazenod

Le ton est donné : « Face à la tradition de la théâtralité du portrait, la modernité commence son travail de sape »,écrit l’historien et critique d’art, collaborateur à L’Œil et au Journal des Arts. C’est ce travail de sape, de déformations, d’affronts, de désastres, mais aussi de réification du visage, mené par les artistes des XXe et XXIe siècles qu’examine Itzhak Goldberg, précédé dans cette approche par un autre historien de l’art, Hans Belting, dans Faces. Une histoire du visage (2013 en éd. allemande).

Pas question, en effet, de raconter ici une histoire du portrait des origines à nos jours. L’ouvrage commence par la constatation de la déchirure opérée par Goya : immédiatement après le Siècle des lumières, ce peintre de la Cour ose cesser de plaire, en exilant l’âme du visage qui en était le reflet. S’ouvre alors « l’ère du scepticisme qui va triompher avec la modernité », observe l’auteur. Matisse et Derain diluent la figure humaine en plages colorées, Picasso la réifie en masque. Après la Shoah, Francis Bacon, Frank Auerbach, Jean Fautrier, Jean Dubuffet, Willem De Kooning la tordent jusqu’au désastre. Le pop art l’entoure d’objets de consommation pour en faire un objet parmi d’autres. À travers des chapitres consacrés à l’observation précise et inspirée des visages peints par Pierre Bonnard, Léon Spilliaert, Picasso, Giacometti et Bacon, alternant avec des essais lumineux sur des thématiques telles que le déchiffrement du visage, la caricature l’autoportrait, le masque – qui est aussi mortuaire –, le selfie ou le visage post-humain, absent ou encore anéanti, Itzhak Goldberg écrit une histoire de l’art douloureuse du visage de l’Homme sans Dieu, marquée par les drames et les révolutions des XXe et XXIe siècles. Un beau livre superbement illustré, qui relève à la fois de l’histoire de l’art et de l’essai personnel.

Face au visage, XXe-XXIe siècle, Itzhak Goldberg,
éd. Citadelles & Mazenod, 240 pages, 69 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Représentation et dislocation de la face humaine

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