Littérature

Poétique politique

L'ŒIL

Le 30 avril 2018 - 357 mots

Parler d’art, de la création et de sa fonction dans le monde actuel, c’est immanquablement évoquer la place de l’homme dans son univers humain et des conditions de son existence parmi la multiplicité.
Tout créateur exprime par son œuvre la multitude des formes et des points de vue là où la notion de société réduit l’homme à des positions relatives et des concepts clivants. En ce sens et par nature, l’art semble toujours s’opposer aux idéologies, nécessairement généralisatrices. Sa production revient à une réflexion personnelle et à un acte de résistance : celui de la singularité de l’être face à sa propre dilution dans les masses, dans l’espace et dans le temps, et à tout ce qui s’apparente à sa propre mort. Aussi, toute poétique, tout l’art de créer, est acte politique et manifeste de survie. Gao Xingjian est artiste multiple. Dramaturge, photographe, metteur en scène de théâtre et d’opéras, peintre à l’encre, tout en nuances de noir et de blanc, écrivain, poète, essayiste et romancier, il est prix Nobel de littérature en 2000 pour l’ensemble de son œuvre. C’est en réfugié politique qu’il rejoint Paris en 1989. Il devient citoyen français à part entière huit ans plus tard. De son rapport critique et conflictuel avec le pouvoir chinois, où il puise les origines de son histoire, il conserve un regard analytique sur les maux de l’époque contemporaine et une ferveur toute personnelle contre les superstitions et les « ismes ». À tout système de pensée, il présente ses certitudes humaines et ses doutes d’homme. Dans les onze conférences rassemblées sous le titre L’Art d’un homme libre, c’est toujours en ce que sa particularité d’être humain a d’universel qu’il entend défendre la liberté de création, indépendamment de tout courant, contre ce qui tend à la limiter, la contrôler ou en tirer profit, n’hésitant dès lors pas à égratigner ce que les démocraties actuelles ont d’idéologique, de consumériste et de démagogique. Reste le chemin d’un homme seul, sans utopie, qui parle d’art comme il parle de liberté et trouve la racine primordiale de son identité dans l’acte de créer.

Gao Xingjian,
L’Art d’un homme libre,
Seuil, 161 p., 25 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°712 du 1 mai 2018, avec le titre suivant : Poétique politique

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