Fantastique

Plongée dans l’univers de Bosch

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 16 décembre 2005 - 503 mots

L’historien de l’art Hans Belting offre une nouvelle interprétation du « Jardin des délices » et révèle le nom de son commanditaire.

Œuvre majeure du fascinant Hieronymus Bosch (vers 1453-1516), le triptyque connu sous le nom du Jardin des délices, conservé au Musée du Prado, à Madrid, a suscité les commentaires les plus divers. Historiens de l’art mais aussi spécialistes de la littérature, ethnologues, historiens, écrivains et psychanalystes ont cherché à percer les mystères de ce paysage fantastique fourmillant de personnages nus, en couple ou en groupe, dans une végétation luxuriante peuplée d’animaux sauvages. Certains y ont même vu la preuve de l’appartenance de l’artiste flamand à une secte adamique !
Historien de l’art allemand, professeur honoraire à l’université de Heidelberg (Allemagne) et directeur, depuis 2004, du Centre international de recherche en sciences de la culture de Vienne, en Autriche, Hans Belting s’est lui aussi livré à cet exercice périlleux dans un ouvrage paru aux éditions Gallimard. Loin de considérer l’œuvre comme un pamphlet hérétique ou un règlement de comptes avec les dogmes de l’Église, il l’analyse comme une utopie peinte, fortement liée à l’esprit du temps, et la compare aux théories humanistes de Thomas More et de Willibald Pirckheimer. Les nombreuses illustrations tombent à propos avec les théories de Belting. L’historien étudie le triptyque dans ses moindres détails, depuis le revers des volets représentant la création du monde jusqu’aux panneaux dépliés figurant Le Jardin des délices entouré du Paradis et de L’Enfer.

Cabinet de curiosités
Surgissent, au fil des pages, le prince des Enfers, être hybride au bec d’oiseau avec un chaudron sur la tête en train de dévorer un humain ; un cochon paré d’une coiffe de bonne sœur ; une jeune femme blonde mélancolique cachée derrière un grand récipient de verre ; un groupe d’individus cherchant à pénétrer un œuf géant…
« Le Jardin des délices offre l’illustration classique des contradictions qui, dans l’art de Bosch, tiennent en échec les méthodes habituelles de l’iconographie. Le triptyque utilise la forme du retable, mais n’a jamais eu de destination liturgique ; il utilise des thèmes bibliques, mais ne se contente pas d’illustrer la Bible », explique l’auteur, considérant l’œuvre comme « l’expression d’un art qui, à un moment de son histoire, revendiquait la même liberté d’invention ou d’implantation que la poésie ». C’est dans l’arrière-plan des peintures, « là où il n’y a plus rien à raconter », que Bosch s’émancipe des contraintes de la narration et laisse libre cours à son imagination. Hans Belting est, en outre, parvenu à identifier le commanditaire de l’œuvre, un laïque, et l’usage précis auquel elle était destinée. Fermé ou ouvert, le triptyque serait originaire d’un palais bruxellois et servait à égayer les fêtes qui s’y déroulaient. Il serait issu d’une collection d’objets exotiques, véritables prémices des cabinets de curiosités. Servi par une iconographie de grande qualité, l’ouvrage de Belting offre une lecture aussi érudite que captivante de cet énigmatique jardin.

Hans Belting, Bosch. Le Jardin des délices, éd. Gallimard, 2005, 128 p., 40 euros, ISBN 2-07-011823-1.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Plongée dans l’univers de Bosch

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