Peter de Sève Exquises esquisses

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 24 avril 2016 - 409 mots

Art Ludique - Né en 1958 à New York, Peter de Sève a grandi en dévorant les images d’Arthur Burdett Frost, Edmund Dulac, Norman Rockwell, Winsor McCay,

Heinrich Kley, Arthur Rackham, Edward Sorel et Grandville. Autant dire, les figures tutélaires incontestées pour qui entend incarner la relève. Leurs leçons se devinent dans son œuvre prolifique. Après des études à la Parsons School avec Maurice Sendak comme professeur, de Sève fait ses gammes dans la presse américaine au début des années 1980 (Forbes, Businessweek, New York Times). Les délais imposent une gymnastique intellectuelle qui achève de former le dessinateur acharné. L’exigence chevillée au crayon, celle de saisir l’idée pertinente avant tout, puis la réalisation graphique la plus juste, réaliste et cinglante comme une bonne répartie. Y émergent humour et personnages à fort caractère dignes d’Honoré Daumier, son influence la plus manifeste. Avec une préférence pour les animaux dont la richesse de tempérament sert une variété d’allégories infinie. Le tout est saisi par un trait vif, un geste dansant sur la feuille, qui traduit à la fois – dans un bal manuel énergique qui ne cache pas sa genèse – la joie de dessiner et la terreur motrice d’échouer à représenter. Aucune image générée par de Sève n’est gratuite ou dénuée d’humour. Jamais de forme sans fond. De Sève capture le sujet et en extrait l’essence. Jamais moralisateur, soulignant tantôt l’absurde, tantôt l’ironie, extension exigeante de son humeur. Autre défi pour le diagnostiqué daltonien : la couleur. Manipulée pour convaincre de la plausibilité du contexte. La pratique obsessionnelle de l’aquarelle, dont l’élégante maîtrise n’écrase jamais la force et la spontanéité du premier jet, offre à de Sève de nouvelles opportunités : plus d’une vingtaine de couvertures du prestigieux magazine The New Yorker. Chacune redoutable d’efficacité et de subtilité.

Percutant, le talent de Peter de Sève n’échappe pas aux studios d’animation (Disney, Pixar, Blue Sky). Fait d’armes : sa création de l’ensemble des personnages de L’Âge de glace, dont l’iconique Scrat, l’écureuil hystérique, est né de milliers de croquis hilarants et de l’étude maniaque des sculptures de Rembrandt Bugatti. Si vous êtes lassé de l’intellectualisation de certains gribouillages médiocres, si vous ne cultivez pas de condescendance à l’égard du cinéma d’animation sous prétexte qu’il est populaire, alors vous accéderez au génie de Peter de Sève. Dans l’énergie pure de son dessin, la vivacité authentique qui émane de ses esquisses fulgurantes, vous trouverez une formidable sincérité captivante et même une prégnante observation anthropologique.

« L’Art de Blue Sky Studios »

Jusqu’au 18 septembre 2016. Musée art ludique, 34, quai d’Austerlitz, Paris-13e. Tarifs : 16,50, 13,50 et 11 €, artludique.com et www.peterdeseve.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°690 du 1 mai 2016, avec le titre suivant : Peter de Sève Exquises esquisses

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