Cinéma

Penché dans le vent, un film délicat sur l’univers poétique d’Andy Goldsworthy

Par Elise Kerner-Michaud · lejournaldesarts.fr

Le 21 août 2018 - 784 mots

Thomas Riedelsheimer consacre un deuxième documentaire à l’artiste en forme d’écrin à ses productions et interventions artistiques.

Affiche de <em>Penché dans le vent</em>, de Thomas Riedelsheimer.
Affiche de Penché dans le vent, de Thomas Riedelsheimer.

Le documentaire Penché dans le vent offre une véritable immersion dans l’univers de l’artiste Andy Goldsworthy. Le spectateur découvre la grande variété de sa production, passant d’une œuvre monumentale nécessitant le travail d’un atelier entier à une action éphémère, comme l’ornement des fissures d’un arbre mort avec d’éclatantes feuilles d’orme ou de la neige compactée.
 
L’artiste anglais, né en 1956, vit en Ecosse et s’imprègne de ses paysages : les plaines vallonnées parcourues par les rivières, les forêts denses et humides, les falaises balayées par le vent sont au cœur de sa vie comme de son travail artistique. Ses œuvres peuvent être qualifiées de Land Art même si les formes variées qu’elles empruntent oscillent entre la sculpture, la performance ou l’installation.
 
Pour le réalisateur Thomas Riedelsheimer, il était important de montrer la diversité et l’évolution du travail de l’artiste à qui il avait consacré un premier film intitulé Rivers and Tides. Interviewé par le site sculpturenature, il explique son intérêt pour les nouveaux projets de l’artiste : « ce nouveau film se penche sur les grands projets qui requièrent aussi une logistique, une machinerie, et sur les œuvres qu’on pourrait considérer comme permanentes. Il a d’autre part commencé à utiliser son corps dans son art et a donc intégré un aspect performatif »

Ressentir au plus près la nature 

Le film est surtout l’occasion d’approcher la démarche de l’artiste, qui éprouve sans cesse son environnement, cherche les connexions, se nourrit d’expériences sensibles sans toujours laisser de traces ou documenter ses gestes. Andy Goldsworthy, qui passe de longs moments à explorer les forêts et plaines, réalise des actions qui l’engagent dans un rapport étroit à la nature : la lente traversée d’une haie, un éblouissant soufflé de pétales, la difficile lutte contre le vent au sommet d’une colline. 

La relation privilégiée entre l’artiste et Thomas Riedelsheimer facilite cette approche intimiste. Après le succès de Rivers and Tides, les deux hommes ne se sont pas vus pendant plus de dix ans. Ce nouveau projet a donc été l’occasion de recréer une collaboration étroite. Le réalisateur a passé trois années à collecter des prises de vue des gestes et des paroles d’Andy Goldsworthy, le filmant aussi bien en plein travail qu’à des moments de repérage ou lors de conversation revenant sur des œuvres déjà produites. 

Créer au rythme des éléments 

A travers les nombreuses œuvres montrées par le documentaire et les explications apportées par l’artiste, le spectateur peut repérer les caractéristiques majeures du land art : il ne s’agit pas seulement de mettre en valeur la beauté de la nature mais d’en éprouver et d’en manifester l’imprévisibilité. En témoigne la patience de l’artiste face aux feuilles récoltées que des bourrasques emportent en un instant. Le rapport physique entre les différents éléments de la nature, dont fait partie l’homme, joue un rôle essentiel. Si Andy Goldsworthy manie aussi bien chacun d’eux c’est qu’il a confronté son propre corps à ces éléments. Il dit lui-même : « En travaillant dur dans les fermes, c’est comme ça que j’ai appris. Je n’ai pas appris cela à l’école d’art mais par le rythme des gestes de rassembler, couper, construire, couper, empiler…. ».
Cette permanence du rapport fondamental à la nature conduit l’artiste à des actions parfois surprenantes, comme ses performances urbaines durant lesquelles il s’allonge sur le  sol sous une bruine naissante pour laisser place à l’empreinte éphémère de sa silhouette bientôt rendue invisible par la pluie qui n’a cessé de tomber.
 
Documenter à bonne distance
 

Thomas Riedelsheimer parvient à relever le délicat défi de documenter les œuvres et performances de l’artiste sans en altérer l’essence éphémère ou la nature instable. Les belles séquences de collaboration entre Andy Goldsworthy et sa fille Holly ont cette force de fixer leurs interventions par les images, tout en exprimant le caractère labile voire périssable des réalisations. 
L’esthétique du film ainsi que sa sobriété narrative offrent des moments de poésie pure. Le genre documentaire s’efface au profit de la contemplation. Le soin apporté à la matérialité du film est aussi bien illustré par les différents plans, larges ou resserrés sur les matières et les gestes, que par le son et la musique composée par Fred Frith. Dans l’exercice délicat du film d’art, le réalisateur trouve un équilibre plutôt juste entre documentation et recréation. 
On pourra toutefois regretter une certaine confusion. Les va-et-vient entre les séquences consacrées à différentes œuvres déroutent, et il n’est pas rare de se sentir perdu dans la géographie ou la chronologie des faits. De très nombreuses pièces sont montrées, parfois si brièvement que la frustration peut l’emporter sur la curiosité. 

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