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Peindre les contours du bonheur…

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 25 octobre 2022 - 418 mots

L’esprit humain est particulièrement enflammé par les histoires et la noirceur, la souffrance, les catastrophes, les crimes, les guerres et la folie.

Il lui faut même un certain effort pour en détourner son attention. C’est une dynamique d’un avantage évolutif certain pour l’espèce tout entière lorsqu’il s’agit de survivre en groupe, en évitant quotidiennement les dangers divers et variés qu’on rencontre nu dans la nature sauvage. C’est aussi d’un grand secours social quand il s’agit d’évoluer en traçant son chemin parmi des sphères d’individus aux forces contraires et aux aspirations adverses. La notion de bonheur se construit dans ce contexte psychologique, physiologique, presque par opposition, adossée au doute, à l’inconnu, à l’envie, à la peur. Littéralement bon augure, l’auspice favorable, il n’admet pas l’inquiétude. Ni celle du besoin, ni celle de la finitude ou de la mort. Il serait alors ce moment idéal où la confiance est totale. Qu’on se le représente dans un ici ou un ailleurs, dans un maintenant ou dans un autre temps, il ne tient qu’à notre croyance en une possibilité de sa réalisation, et à notre regard sur les états du monde de notre temps. C’est ainsi que l’aspiration au bonheur est au cœur des éléments fondateurs de toute humanité, de ses projets et de ses enjeux. À l’origine de tous nos mythes, sous-jacente à tous nos combats, elle définit en creux notre détermination à apprécier un passé, à supporter un présent et à porter un futur. Pas d’alliance humaine sans image d’un bonheur à y vivre, responsable pour soi comme pour les autres du meilleur comme du pire. Aussi, en tant que projection de l’esprit ou comme écho d’un instant en train de se vivre, le bonheur a besoin en nous pour exister d’une image qui le soutienne. Question absolument centrale pour notre siècle balbutiant, c’est cette image, précisément, que Pascal Dethurens s’attache à nous faire appréhender. Le kaléidoscope des dix chapitres richement illustrés qu’il nous présente peut se lire comme une enquête menée en profondeur dans notre histoire de l’art et dans celle des idées. Éclairés par les occurrences multiples qu’il met en relief, nous y trouverons, dans la littérature et dans la peinture en Occident et à travers les temps, les représentations qu’on peut se faire d’un sentiment physique et d’un état mental si particulier qu’une fois appliquées sur le monde, elles sont capables de nous faire créer les pans entiers d’une nouvelle réalité. Nous nous prendrons alors peut-être à rêver de celles qu’il nous appartient désormais de lui donner.

Pascal Dethurens, « Le Bonheur dans la littérature et la peinture, »
Hazan, 185 p., 35 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°759 du 1 novembre 2022, avec le titre suivant : Peindre les contours du bonheur…

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