Passion gothique

Viollet-le-Duc et l’architecture médiévale

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 14 juin 2002 - 470 mots

Architecte et théoricien, Viollet-le-Duc (1814-1879) a participé, tout au long de sa carrière, à la restauration de nombreux édifices médiévaux comme Notre-Dame de Paris, la basilique de Vézelay, les remparts de Carcassonne ou encore le château de Pierrefonds. À travers bon nombre de ses dessins et aquarelles minutieusement réalisés pour différents projets, des photographies et textes d’époque, Jean-Paul Midant étudie les rapports qu’entretenait le célèbre créateur avec l’architecture gothique.

“Si nous ne connaissons pas le Moyen Âge, c’est en vérité que nous ne voulons pas le connaître, que nous ne prenons pas la peine d’examiner, avec une attention réfléchie et méthodique, les richesses accumulées par des siècles dont peu d’années, mais beaucoup de préjugés entretenus soigneusement par tous ceux qui bénéficient de l’ignorance et en vivent, nous séparent”, écrivait, en 1873, Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire du mobilier français de l’époque carolingienne à la Renaissance. Ardent défenseur du gothique, l’architecte a participé à de nombreux travaux de restauration ou de reconstruction de bâtiments médiévaux, telles les cathédrales Notre-Dame de Paris (1845-1865), de Troyes (à partir de 1847), d’Amiens (1849), de Reims (1860), de Clermont-Ferrand (1867), les forteresses de Coucy, de Carcassonne et de Pierrefonds – un de ses chantiers les plus célèbres et les plus critiqués –, mais aussi des églises, des maisons, des palais. Dans un ouvrage largement illustré, Jean-Paul Midant s’est penché sur cette passion que Viollet-le-Duc vouait à l’architecture du Moyen Âge. Les nombreuses reproductions de ses dessins, accompagnées de photographies d’époque, permettent d’étudier en détail ses grands projets et réalisations. Deux aquarelles nous montrent ainsi la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne avant et après restauration, tandis que la photographie de l’archevêché de Sens, prise par Henri Le Secq avant les réparations, présentée à côté du dessin de la façade occidentale rénovée, témoigne de l’ampleur des travaux. Chaque chapitre est enrichi de textes d’époque qui évoquent l’atmosphère du XIXe siècle : des commentaires sur l’œuvre de Viollet-le-Duc, les rapports qu’il faisait pour la commission des Monuments historiques, ses réflexions sur le rôle de l’architecture dans la société, les leçons à retenir de la période médiévale...

Pour l’auteur, Viollet-le-Duc ne s’est pas intéressé au style néogothique, mais bien à l’architecture gothique elle-même, qu’il réinvente en prenant soin d’imaginer le contexte historique et social de sa genèse. Passionné par l’histoire, l’architecte considérait en effet que l’élaboration des cathédrales et forteresses correspond à une “marche progressive de l’humanité vers la liberté”, à une reconnaissance de l’individu – les maîtres d’œuvres, par exemple, succèdent aux moines bâtisseurs et travaillent avec des ouvriers salariés. Viollet-le-Duc “n’est pas loin de penser que faire de l’architecture, c’est faire la guerre, conclut Jean-Paul Midant : guerre aux préjugés de toutes sortes, guerre aux détracteurs du Moyen Âge, guerre à l’art officiel”.

- Jean-Paul Midant, Au Moyen Âge avec Viollet-le-Duc, éditions Parangon, 174 p., 22,90 euros, ISBN 2-84190-068-1.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°151 du 14 juin 2002, avec le titre suivant : Passion gothique

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