Mille ans d’histoire médiévale

Moyen Âge. Chrétienté et Islam, sous la direction de Christian Heck

Un manuel précieux mais sans bilan critique

Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1996 - 453 mots

Suffit-il de juxtaposer Byzance, la chrétienté médiévale et l’Islam pour rendre compte du Moyen Âge ? Les contributions ici rassemblées sont toutes admirablement conçues, rédigées et illustrées, selon le parti adopté par la collection \"Histoire de l’art\", avec ses qualités et ses lacunes volontaires (l’absence d’une évocation de la problématique actuelle), mais l’architecture d’un livre se limite-t-elle à l’art de ses \"tailleurs\" de texte ?

L’ouvrage est précieux et probablement appelé à une belle carrière de manuel pour les étudiants et de livre de chevet pour le public : rassembler autant d’informations et d’illustrations mérite d’être salué. Ce parti de regrouper trois aires culturelles sur mille ans d’histoire et une zone géographique aussi vaste permet d’élargir son regard, jusqu’alors cantonné dans des études cloisonnées. Il offre un beau panorama.

Mais on attend des médiévistes qu’ils aillent plus avant dans la méditation de leur savoir et qu’ils en proposent un bilan critique. Quels types d’objets étudient-ils ? Quelle est la part, dans le champ de leur analyse, de ce qui subsiste et ce qui a disparu ? (L’apport de l’archéologie aurait mérité d’être explicité). Quelle est la part d’authenticité de leurs documents ? Présenter les travées ouest et le tympan de Vézelay, ou les châteaux de Roquetaillade et Dis­say, largement du XIXe siècle, peut conduire à des certitudes erronées.

Du panorama au cinéma
De surcroît, le lecteur est devenu exigeant : il attend du mouvement. Pas seulement un panorama, mais du cinéma. Le parti adop­té ne permet pas d’embrasser l’évolution des arts d’un seul coup d’œil : chaque spécialiste avance avec ses propres distinctions. Les interactions entre les trois aires culturelles restent dans l’ombre. On aurait apprécié, par exemple, un bilan des emprunts et des apports de l’Islam à l’Occident, et semblable remarque peut être faite à propos de Byzance. Dans le même esprit, on attend des aperçus sur les agents de ces interactions : on parle beaucoup aujourd’hui du rôle de l’Arménie dans la translation du legs antique et du Moyen Âge et dans les échanges entre Orient et Occident ; on ne cesse de mettre en évidence le rôle des ordres mendiants.

Enfin, il est temps d’élargir la vision européenne : la place de la Hongrie médiévale est à peine évoquée ; l’importance de Prague, beaucoup plus considérable qu’il n’apparaît ici. Comment s’est opéré, au fil des siècles, le mouvement artistique d’unité dans la diversité de l’Europe, de Séville au monde scandinave, des îles britanniques à Palerme ? Autant de questions sur lesquelles on eût apprécié quelques idées, pour l’intelligence du lecteur. C’eût été probablement un autre ouvrage. Mais celui-ci est très bien dans son genre.

Moyen Âge. Chrétienté et Islam, sous la direction de Christian Heck, éditions Flammarion, 575 p., 280 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : <em>Moyen Âge. Chrétienté et Islam</em>, sous la direction de Christian Heck

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