Musique

De l’oreille à L’Œil, la chronique de Laure Albernhe | TSF JAZZ

L’insoutenable légèreté de l’air…

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 23 mai 2023 - 503 mots

François Azambourg n’est pas seulement un designer obsédé par la légèreté, c’est aussi un poète, capable d’imaginer des mobiles à partir de plumes et de feuilles de platane.

De l’air, de l’air, c’est son obsession, et ça fait longtemps que ça dure. L’air a commencé à passer dans son saxophone alto, lorsqu’il était tout jeune. Il avait un dieu qui s’appelait Charlie Parker, que l’on surnommait Bird, comme l’oiseau dont le vol fascine tant notre poète. « C’est la façon dont l’air le porte qui me passionne. » On ne pense pas forcément à ça quand on voit un oiseau dans le ciel. François Azambourg, si. Il pense à l’air. Il pense aussi au son que fait l’air, lorsqu’il devient musique : « Le son, c’est une succession de pressions et de dépressions. » La poésie n’est pas toujours là où on l’attend. Elle peut aussi se loger dans une bulle : cette bulle, le designer-poète la fait envelopper de verre en fusion, qu’il fait souffler par un maître verrier dans un moule en bois de Douglas. Le verre en fusion, ça brûle le bois, qui change de forme vase après vase, et cela donne le fameux vase Douglas, l’une de ses œuvres emblématiques. C’est magnifique, il n’y en a pas deux exemplaires identiques. « Je détruis l’outil comme Jimi Hendrix mettait le feu à sa guitare pour en obtenir des sons inouïs. » Puis, c’est aussi le temps qui imprime sa patte, et le temps, c’est une autre obsession du designer, à en juger par le nombre d’horloges qui jalonnent son travail. Le temps, le tempo, l’air musical et celui qui passe dans les trous de son saxophone. Revenons-y à cet instrument qui était loin d’être parfait à sa création par un certain Adolphe Sax en 1846. « C’est le mariage entre un ophicléide à embouchure de trompette et une clarinette, avec un système assez lourd. » Lourd ? Ce mot n’appartient pas au vocabulaire de François Azambourg. Alors, pour alléger cet alto dont il joue avec assiduité, il utilise des techniques venues de l’aviation et de l’automobile, plus fiables que celles de la lutherie. C’est en revanche à la lutherie qu’il empruntera le vocabulaire pour inventer et décliner ses chaises, comme autant de standards de jazz. Mais pendant ses études, c’est donc au saxophone qu’il va tenter de faire gagner en ergonomie ce qu’il lui fait perdre en poids, un travail de douze ans, en collaboration avec la marque Selmer. Archie Shepp en a joué. Stan Getz n’en aura pas eu le temps, mais sera reparti avec un harnais et un bec sur mesure. C’est parce que les jazzmen se sont emparés de l’invention d’Adolphe Sax dans les années 1920 que le saxophone, instrument roi du jazz, a véhiculé tant d’énergie créative, celle que François Azambourg essaye de recréer et d’insuffler dans ses objets, non sans couacs, parfois. « Quand on travaille, on fait des essais, on rate, on recommence. » On remet sans cesse l’ouvrage sur le métier. C’est le principe même du standard de jazz, au gré de l’improvisation.

À retrouver.
Laure Albernhe et Mathieu Beaudou dans Les Matins Jazz, du lundi au vendredi, de 6h à 9h30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com
« Légèretés manifestes. François Azambourg, designer »,
jusqu’au 2 juillet 2023. Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, Paris-1er. Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, jusqu’à 21 h le jeudi. Tarif plein : 14 €. Commissaires : Cloé Pitiot, Louise Curtis et Joffrey Picq. madparis.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°765 du 1 juin 2023, avec le titre suivant : L’insoutenable légèreté de l’air…

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