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Les Eames, un couple de pionniers

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 2 février 2016 - 748 mots

Un regard contemporain sur l’héritage universel que les incontournables designers du XXe siècle ont laissé à la création et au design.

Ceux qui, dans les jours qui viennent, n’auront pas l’occasion d’aller au Barbican Centre, à Londres, pour admirer la vaste exposition « The World of Charles and Ray Eames » (jusqu’au 14 février) pourront néanmoins se rattraper avec ce livre qui vient de paraître, tout simplement intitulé Charles & Ray Eames. Et en particulier les lecteurs francophones, cet ouvrage étant le premier sur le couple phare du design américain à paraître dans la langue de Victor Hugo. Comme le précise en préambule son auteur, Maryse Quinton, « ce livre n’a pas pour objectif de se mesurer aux ouvrages historiques richement documentés et écrits par ceux qui ont intimement connu Charles Eames (1907-1978) et Ray Eames (1912-1988) ». Elle qui n’a jamais rencontré le couple n’entend pas « se substituer à ceux qui l’ont côtoyé », mais souhaite plutôt « poser un regard contemporain sur une production aussi riche qu’éclectique, ainsi que sur l’influence considérable de ces designers qui ont marqué le XXe siècle ». L’effort est évidemment louable, d’autant que les Eames furent pour le moins des créateurs prolifiques.

Une manière de regarder le monde
L’ouvrage, abondamment illustré, se divise en cinq grands chapitres : une biographie – Charles & Ray Eames, Une Vie ensemble –, le mobilier – sous-titré : Beaucoup d’icônes, peu d’échecs –, l’architecture – De l’Architecture, des lieux –, les jouets, enfin l’ensemble de leurs autres activités – autrement dit, Films, expositions et autres morceaux choisis. Modernes, les Eames l’étaient indubitablement, comme le montre ce cliché en noir et blanc sur lequel on voit Ray chevauchant une grosse moto anglaise, les mains solidement accrochées au guidon avec, assis sur le siège passager, Charles, la pipe aux lèvres et tout sourire. Mais c’est surtout leur approche pluridisciplinaire et transversale du design qui fera merveille, les deux designers accordant avant tout une importance fondamentale à l’expérimentation et au processus de conception : « Les détails ne sont pas des détails, ils font le produit », martelèrent-ils tout au long de leur vie. À la création de « beaux objets », le couple préfère, de loin, répondre aux besoins des utilisateurs. « Jamais la beauté en tant que telle n’a primé dans leur travail. La recherche d’image non plus. Tout ce qu’ils ont produit illustre la manière dont ils regardaient le monde », avance Maryse Quinton. Ainsi en est-il des pièces et meubles, ici, décortiqués : l’attelle en contreplaqué moulé conçue pendant la Seconde Guerre mondiale à la demande de l’US Navy, dont l’étude permettra, plus tard, de développer la chaise LCW ou le merveilleux tabouret Éléphant, la fameuse « chaise longue » prénommée, avec humour, La Chaise – en référence à une sculpture de l’artiste Gaston Lachaise –, l’iconique Lounge Chair & Ottoman, sans oublier le judicieux meuble de rangement ESU – pour Eames Storage Unit – et la subtile gamme de mobilier Aluminium Group.

Une empreinte marquée
Côté architecture, tout est dit (ou presque) avec ce projet mythique, planté sur les hauteurs de Pacific Palisades, à Los Angeles : la Case Study House n° 8, autrement dit leur propre maison, plus connue sous le nom de Eames House. Elle est, ici, analysée avec force dessins et photographies. À voir, en outre, la manière dont les Eames imaginent des jouets, on comprend illico que le domaine de l’enfance était, pour eux, un monde en soi qu’ils ne traitaient pas à la légère, mais au contraire en sublimant avec habileté ses propres rapports d’échelle. « Une chose est sûre, ce succès ne doit rien au hasard, estime Maryse Quinton. Il résulte de nombreux questionnements, d’expérimentations multiples, d’une philosophie singulière, celle du “plaisir sérieux”, devenu leur marque de fabrique. » Sans doute est-ce pourquoi leur travail résonne aujourd’hui encore chez nombre de créateurs. En témoigne, la quinzaine d’entretiens qui rythment l’ouvrage, réalisés avec des designers ou des entrepreneurs actuels. De l’Espagnole Patricia Urquiola à l’Allemand Stefan Diez, en passant par la Néerlandaise Hella Jongerius ou le Français Philippe Starck, tous évoquent ce que leur approche doit aux Eames. Évidemment, certains propos – Jaime Hayon, Ross Lovegrove… – ont plus d’intérêt que d’autres. Un petit regret, en outre : plus de modestie quant à la place donnée à ces « entretiens » (et aux portraits en particulier) n’aurait pas nui, le sujet central – la vie de Charles & Ray Eames – étant, à lui seul, suffisamment captivant.

Maryse Quinton, CHARLES & RAY EAMES, Éditions de La Martinière, 256 pages, novembre 2015, 45 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°450 du 5 février 2016, avec le titre suivant : Les Eames, un couple de pionniers

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