Les Brèves : L’usage de l’art, Le romancier et le peintre, Les modernes loin de Paris...

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1996 - 604 mots

L’usage de l’art
L’historien ou le théoricien d’art se risquent rarement à s’exprimer à la première personne du singulier, sauf dans les protocoles de remerciements où il s’agit de se justifier. Quand ils le font ailleurs et autrement, c’est sous l’effet d’un accès de narcissisme incontrôlé ou d’une volonté de se mettre en situation de pouvoir. Jean-Louis Schefer, à qui l’on doit entre autres une structuraliste Scénographie d’un tableau (1969), se voit désormais comme "un auteur sans romans" pour qui "tout est fiction". Il commente dans cette Question de style  un texte écrit voilà six ans, en cherchant non pas à proposer une quelconque méthode mais à discerner et faire fructifier l’usage de l’œuvre d’art. Sa marge de manœuvre, pourtant, est étroite et, faute d’assumer pleinement la perspective qu’il emprunte, il s’expose à faire chou blanc.
Jean-Louis Schefer, Question de style, éditions L’Harmattan, 114 p., 85 F.

Le romancier et le peintre
Rendu célèbre par son Taxi mauve, Michel Déon, de l’Académie française, s’intéresse aussi à la peinture et commente, dans ce texte d’une conférence prononcée à l’occasion de la rétrospective du peintre, Orphée et Eurydice de Poussin. "Que vient faire un écrivain, de surcroît essentiellement un romancier, dans ce domaine réservé ? S’offrir aux coups  [des spécialistes]." Avec précaution, Michel Déon écrit ici une nouvelle page de l’histoire des malentendus entre la littérature et la peinture, en imaginant plus qu’il ne voit et en écrivant plus qu’il ne pense.
Michel Déon, Orphée aimait-il Euridyce ?, éditions Séguier, 48 p., 48 F.

Les modernes loin de Paris
L’art moderne est la plupart du temps présenté comme une émanation naturelle d’une puissante capitale, Paris, où auraient exclusivement convergé les idées et les hommes de génie. Robert Rosenblum avait entrepris voilà plus de vingt ans de se détourner d’un tel cliché, pour retracer une autre généalogie, une autre tradition moderne, qui a ses origines dans le romantisme nordique. De Caspar David Friedrich et William Blake à l’Expressionnisme abstrait, il dégage effectivement une autre perspective historique, conscient toutefois du schématisme auquel peut s’exposer un défricheur. C’est ce qui rend cet essai à la fois séduisant et insatisfaisant, puisque l’auteur se voit dans l’obligation d’occulter certaines données et d’en surinterpréter d’autres.
Robert Rosenblum, Peinture moderne et tradition romantique du Nord, éditions Hazan, 248 p., 190 F.

La ville et l’inconscient
"Qu’en est-il, indissolublement, de la ville en tant que réalité, en tant qu’image et en tant que symbole ? Qu’en est-il de cet objet de désir, tout à la fois proche et insaisissable, fascinant et repoussant, attirant et rebelle, nécessaire et insupportable… ?" Tel est l’aiguillon de ce recueil de textes d’Hubert Damisch, consacrés en majeure partie à l’urbanisme. Exercices topiques, comme il le dit lui-même, qui visent à se retrouver sur la scène moderne, en jetant des passerelles entre les labyrinthes de la pensée et ceux des métropoles. Entre Sigmund Freud et Walter Benjamin, Frank Lloyd Wright et Le Corbusier, entre Crocodilopolis et Manhattan, Damisch trace une ligne d’horizon  qui parcourt le désert et l’inconscient.
Hubert Damisch, Skyline, la ville Narcisse, éditions du Seuil, 192 p., 120 F.

Crise des cultures
Professeur à l’université de Californie à Santa Cruz, James Clifford passe pour un représentant majeur d’une anthropologie post-moderne. C’est par une enquête ethnographique qu’il entreprend la critique de la culture occidentale, mais aussi en revisitant des écrivains comme Conrad, Césaire, Leiris, Ségalen. "Les identités du XXe siècle ne supposent plus ni cultures ni traditions continues." Il faut revoir la découpe idéologique du monde, réinventer la notion de déplacement et mettre au point une "politique du néologisme".
James Clifford, Malaise dans la culture, l’ethnographie, la littérature et l’art au XXe siècle, éditions Énsb-a, 392 p., 175 F. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Les Brèves : L’usage de l’art, Le romancier et le peintre, Les modernes loin de Paris...

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