Les Brèves : Le coup de force de Malevitch, Questions sur la couleur...

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 13 juin 1997 - 844 mots

Le coup de force de Malevitch
La peinture d’icône s’emploie à restituer la ressemblance de l’invisible, selon un précepte énoncé entre autres par Jean Damascène, qui révoque l’art subordonné à une représentation mimétique. "L’icône, écrit Bruno Duborgel, relève d’une esthétique de la transfiguration. Ni abstraction ornementale iconoclaste insignifiante, ni reflet naturaliste de la nature réduite à elle-même, elle se veut reflet de la relation, de l’entrecroisement, de l’interférence du sensible et du divin." L’auteur étudie les analogies existant entre ce programme et le parcours de Malevitch avec assez de doigté pour éviter les réductions hâtives. S’appuyant sur des travaux récents, il confère à ses analyses de la "scène artistique" du fondateur du Suprématisme toute leur pertinence. Le petit volume que Linda S. Boersma consacre à la dernière exposition futuriste donne par ailleurs tous les détails sur le coup de force perpétré par Malevitch en 1915.
- Bruno Duborgel, Malevitch, la question de l’icône. Publications de l’université de Saint-Étienne, 190 p., 150 F.
- Linda S. Boersma, O,1O. La dernière exposition futuriste, Hazan, 96 p., 150 F.

Questions sur la couleur
La question de la couleur est, dans les domaines de l’art et la science, l’une des plus complexes qui soit. Manquait en langue française un ouvrage qui satisfasse à la fois les exigences de l’un et de l’autre. En examinant avec discernement les théories exposées par Chevreul au XIXe siècle, et en les resituant dans un contexte plus large, Georges Roque n’a pas produit un de ces travaux de bénédictin qui se rangent une fois pour toutes sur les rayonnages. Il redonne au contraire, avec un allant rarement déployé dans ce genre d’étude, toute sa dimension philosophique à la couleur. Des questions de méthode à la description des malentendus entre artistes et scientifiques, Georges Roque renouvelle l’approche de l’abstraction, très loin des partis pris idéologiques qui rendent souvent impertinentes les analyses sur le sujet.
Georges Roque, Art et science de la couleur. Chevreul et les peintres, de Delacroix à l’Abstraction, éditions Jacqueline Chambon, 476 p., 240 F.

Les chefs-d’œuvre d’Albert Renger-Patzsch
Peu connu du grand public, Albert Renger-Patzsch (1897-1966) a publié en 1928 Die Welt ist schön, ouvrage de référence pour les photographes d’avant-garde de l’époque. Alors que certaines de ses images viennent d’atteindre des sommets lors de la vente Anderson (voir le JdA n° 38), paraît une monographie consacrée à ses chefs-d’œuvre : Meisterwerke. Elle exprime sa volonté de montrer que si la beauté s’inscrit dans la nature – paysages, fleurs…–, elle peut exister aussi dans des monuments ou des créations industrielles – objets manufacturés, machines… Toujours dans une vision dépouillée, froide, quasi clinique. Ce livre est publié à l’occasion de la rétrospective présentée jusqu’en juin par le Sprengel-Museum de Hanovre.
Albert Renger-Patzsch, Meisterwerke, sous la direction d’Ann et Jürgen Wilde, textes en allemand de Thomas Janzen, éditions Schirmer/Mosel, 144 p., 100 ill., 348 F.

Le manifeste de Palladio
L’ouvrage de Palladio est l’un de ces textes canoniques qui, avec ceux de Vitruve ou Alberti, constituent des moments clefs de l’histoire de l’architecture. Paru à Venise en 1570, traduit en français par Roland Fréart de Chambray moins d’un siècle plus tard, ce traité eut en Italie une influence considérable. À la fois théorique, technique et pratique, c’est aussi un manifeste d’un art rigoureux et dépouillé. Cette nouvelle édition, abondamment illustrée et augmentée par rapport à celle de 1980, reprend, en la modernisant, la traduction de Fréart.
Andrea Palladio, Les Quatre livres de l’architecture, éditions Flammarion, 456 p., 180 F.


LIVRES REÇUS

Art ancien
- Henri Stierlin, Anne Stierlin, Les Ors du Mexique chrétien, Imprimerie nationale, 208 p., ISBN 2-7433-0049-3, 360 F. jusqu’au 30 juin, 450 F. ensuite.
Avec la conquête du Nouveau Monde, l’art chrétien pénètre au Mexique. Cet ouvrage explore la synthèse ultra-baroque de l’art espagnol et du fonds autochtone mexicain.

- Michael P. Fritz, Giulio Romano et Raphaël, La vice-reine de Naples, RMN, 66 p., ISBN 2-7118-3510-3, 60 F.
L’auteur restitue la véritable identité du modèle d’un des portraits les plus connus du Louvre. Cette plongée dans l’univers de l’art à la Renaissance éclaire, sous un nouvel angle, ce chef-d’œuvre.

- Francisco Calvo Serraller, Goya, Gallimard/Electa, 156 p., ISBN 2-07-015046-1, 280 F.
Cet ouvrage s’attache à situer l’œuvre de Goya dans son temps. Témoin lucide et féroce de son époque, l’artiste génial rompt avec le néo-classicisme de la fin du XVIIIe siècle pour s’exprimer dans un style dont la fougue et la liberté préfigurent l’art moderne.

- Alberta De Nicolo Salmazo, Mantegna, Gallimard/Electa, 164 p., ISBN 2-07-015047-X, 280 F.
Virtuose de la perspective, passionné par les reconstitutions archéologiques, Mantegna créa, en peinture, une forme d’illusionnisme spatial qui devait faire école. L’ouvrage privilégie une approche immédiate et détaillée de l’œuvre de cet artiste majeur du Quattrocento.

Ouvrages généraux
- Hugh Honour, John Fleming, Histoire mondiale de l’art, Bordas, 896 p., ISBN 2-04-027140-6, 475 F.
Pour la quatrième édition de cet ouvrage de référence, les auteurs ont entièrement révisé chaque chapitre. L’histoire de l’art mondial est présentée de façon chronologique, à travers cinq grands thèmes : les fondements de l’art, l’art et les religions universelles, art sacré et art profane, l’émergence du monde moderne et l’art du XXe siècle.


 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : Les Brèves : Le coup de force de Malevitch, Questions sur la couleur...

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