Les Brèves : Étienne-Louis Boullée utopiste, Tous les arts de Bruxelles..

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 2020 mots

Étienne-Louis Boullée utopiste
Boullée conserva toute sa vie une fascination pour la peinture et la liberté dont jouissait le peintre, tandis qu’il déplorait les servitudes de l’état d’architecte qu’il avait embrassé. Dessinateur hors pair, il dut se contenter longtemps de projets avant qu’on ne lui confie la réalisation de décors. C’est par ces espaces de fiction que s’inaugure l’œuvre d’un visionnaire qui, honorant entre-temps de nombreuses commandes privées, projeta des monuments révolutionnaires à partir de 1780. Vingt-cinq ans après sa première monographie sur Boullée, Jean-Marie Pérouse de Montclos a entièrement réécrit son texte en tenant compte des nombreuses recherches qui ont paru depuis lors. Un catalogue raisonné de ses créations complète très utilement cette monographie essentielle.
- Jean-Marie Pérouse de Montclos, Étienne-Louis Boullée, Éditions Flammarion, 288 p., 595 F.

Tous les arts de Bruxelles
On ne sait que trop que la spécialité de Bruxelles fut, au tournant du siècle, l’Art nouveau, auquel les historiens prodiguent ordinairement tous leurs soins. La volonté des auteurs de ce Bruxelles fin de siècle, réunis sous la houlette de Philippe Roberts-Jones, est de redéployer toute la richesse de la création en Belgique, aussi bien dans les domaines de l’architecture et des arts visuels que dans ceux de la littérature et de la musique, auxquels se sont respectivement consacrés Françoise Dierckens, notre collaborateur Michel Draguet, Paul Aron et Michel Stockhem.
“Bruxelles n’était pas une succursale, écrit Roberts-Jones, mais bien un relais et un centre.” Ce livre panoramique en apporte, si besoin était, la preuve à travers une impressionnante quantité d’exemples qui, tous, manifestent l’indépendance et la singularité de cette grande capitale européenne.
- Sous la direction de Philippe Roberts-Jones, Bruxelles fin de siècle, Éditions Flammarion, 280 p., 495 F.

De la Vénus de Willendorf à Brancusi
Cet ouvrage, Femmes, mythologies, préfacé par Philippe Sollers et réunissant des textes de spécialistes, avec des photographies d’Erich Lessing, se veut un “hymne à la femme inspiratrice de l’art”. “Dieu a été une femme, et il le reste la plupart du temps en sous-main”, surenchérit Sollers. Bien sûr, toute création passe par la femme, est commandée et transmise par elle. Cultes de la fécondité des civilisations anciennes, célébrations de la Vierge, représentations modernes de la volupté : les mythologies de la femme, de la Mésopotamie à Montparnasse, recoupent le mythe des origines du monde. Ce livre ne saurait évidemment répondre à aucune finalité précise, et son luxe inutile est sa raison d’être.
- Erich Lessing et Philippe Sollers, Femmes, mythologies, Imprimerie nationale, 416 p., 650 F.

Pierre Bonnard vu de loin
De nombreux livres, dus en particulier à Antoine et Charles Terrasse, petits-neveux de l’artiste, ont célébré avec une compétence irréprochable l’œuvre de Pierre Bonnard. Une œuvre que sa fréquentation régulière, au-delà de la séduction immédiate qui s’en dégage, rend toujours plus complexe et plus riche. On pouvait espérer d’un nouvel ouvrage qu’il propose un regard inédit et s’attaque de front au mystère de cet art de la discrétion qui, de la période Nabis aux années quarante, n’accuse jamais le moindre signe de faiblesse. Mais le survol conventionnel et attendu de Nicholas Watkins, dépourvu de style comme d’idées, se contente de rabâcher des informations scolaires de seconde main. Les coquilles, les fautes d’orthographe et les césures hasardeuses sont les seules singularités de cet album.
- Nicholas Watkins, Bonnard, Éditions Phaidon, 240 p, 395 F.

L’art américain avant Pollock
À l’exception du très célèbre Edward Hopper et des héros de l’Expres­sionnisme abstrait, on connaît assez mal, de ce côté de l’Atlantique, la peinture américaine. Du milieu du XIXe siècle à nos jours, de Thomas Eakins à Eric Fischl, Edward Lucie-Smith raconte la saga du réalisme américain. Images naïves et parfaites d’un continent peu à peu conquis, régionalisme et populisme, démarquages de l’Impressionnisme (avec Mary Cassat, Childe Hassam ou William Merrit Chase) : l’Amérique reste, jusqu’à la guerre, un continent conformiste. Viennent le Pop art et l’Hyperréalisme qui, après l’épopée abstraite, lui confèrent une importance de premier plan sur la scène internationale.
On peut regretter la définition trop stricte que retient Lucie-Smith du Réalisme, qui l’amène à exclure les œuvres d’artistes comme Stuart Davis, Jim Dine, Robert Rauschenberg ou le dernier Philip Guston, et à surestimer l’école californienne ou les “anachronistes” des années quatre-vingt.
- Edward Lucie-Smith, Le réalisme américain, Éditions de La Martinière, 240 p., 350 F.

Ateliers d’artistes
Á travers deux cents photographies de Jean-Marie del Moral, ce livre explore vingt ateliers d’artistes, d’Arman à Villeglé, en passant par Buren, César, Garouste… Gérard de Cortanze décrit les lieux, évoque les liens qui se sont tissés au fil des années entre les artistes et ces espaces de création. “N’importe quoi peut devenir un atelier”, disait François Morellet, mais Pierre Soulages voit un espace ou il se sent “libre”. Bertrand Lavier le considère comme un espace “de fabrication, pas de réflexion”, tandis que Villeglé lance “mon atelier, c’est la rue”.
- Ateliers, Éditions du Chêne, 185 p., 380 F.

Carpaccio
Hormis l’excellent ouvrage de Ludovico Zorzi sur la représentation de sainte Ursule chez Vittore Carpaccio, paru il y a quelques années aux éditions Hazan, on ne disposait pas jusqu’à maintenant de monographie en français consacrée à celui qui a si bien décrit et réinventé Venise. C’est chose faite avec la traduction de celle de Vittorio Sgarbi, qui signe un texte sans surprise, auquel succède un catalogue raisonné. Toutes les œuvres récemment restaurées ont été à nouveau photographiées pour cet album.
- Vittorio Sgarbi, Carpaccio, Éditions Liana Levi, 272 p., 450 F.

Les évidences d’Avedon
Les éditions Schirmer Mosel avaient surpris l’an dernier avec la biographie de Richard Avedon, An Autobiography. Elles renouvellent le choc avec Evidence, le livre-catalogue de la rétrospective consacrée au photographe américain qui circule aux États-Unis et en Europe. Une nouvelle fois, l’ouvrage de très grand format frappe par sa mise en page audacieuse, voire agressive, les qualités d’impression et de reproduction servant pleinement le Maître.
Plus de six cents images – portraits, photos de mode, reportages, couvertures de magazine, planches-contacts… – jalonnent cinquante années de carrière, de 1944 à 1994. Elles font dire à Avedon que “toutes les photographies sont exactes. Aucune n’est vraie”. Une évidence.
- Évidence, Richard Avedon, Éditions Schirmer Mosel, 184 p., 650 ill, 498 F.

L’art décoratif au grand jour
Paraît cet automne le deuxième volume de la monumentale histoire des arts décoratifs en Europe, dont le premier, consacré à la Renaissance et au Maniérisme, marquait avec éclat l’ambition du projet. Alain Gruber, qui dirige cet ensemble, remarque dans sa préface que les arts décoratifs du XIXe siècle sont en quelque sorte victimes, en France, de la passion exclusive du public pour l’Impressionnisme. Mais il diagnostique un regain d’intérêt pour le Néoclassicisme, dont les créateurs avaient, dit-il, “une mentalité d’historien”. Il ne s’agit pas pour les auteurs de narrer l’histoire des arts décoratifs en s’en remettant aux dénominations traditionnelles, qui sont le plus souvent trompeuses.
La méthode retenue, écrit encore Alain Gruber, “devrait avoir l’avantage de mettre en évidence l’alternance des goûts, leur supranationalité ainsi que l’évolution sur plusieurs siècles de constantes ornementales.”
- Sous la direction d’Alain Gruber, L’art décoratif en Europe, du Néoclassicisme à l’Art déco, Éditions Citadelles & Mazenod, 496 p., 1 200 F, jusqu’au 31 janvier, 1 300 F ensuite.

Pierre Puget
Accompagnant l’exposition qui se tient jusqu’au 30 janvier à la Vieille Charité à Marseille, le seul bâtiment de cette ampleur que Pierre Puget ait pu mener à bien, le catalogue publié par la RMN documente aussi complètement que possible l’œuvre de ce peintre, sculpteur, dessinateur et architecte, qui a longtemps été présenté comme le Michel-Ange français. Cette première monographie fait la part de la réalité et de la légende grâce à la collaboration de nombreux spécialistes.
- Collectif, Pierre Puget, éditions de la RMN, 416 p., 390 F.

La magnificence de Borobudur
Cet ouvrage est l’archétype même du beau livre :  magnifiques photographies, texte rigoureux, mise en page soignée et classique. Il fait pénétrer au cœur de ce mandala de pierre, et permet de lire les nombreux bas-reliefs qui l’ornent. Louis Frédéric y livre les dernières données sur la symbolique complexe du monument, sa vocation initiatique, son architecture, tandis que l’œil de Jean-Louis Nou révèle tous les détours de cette montagne sacrée.
Mais le beau livre va au-delà. Dans une deuxième partie, il reproduit les photographies en noir et blanc publiées à La Haye, entre 1920 et 1930, par van Erp et Krom, couvrant l’intégralité des bas-reliefs. Une comparaison passé-présent qui fait de ce livre un instrument de recherche.
- Borobudur, Imprimerie Nationale, texte de Louis Frédéric, photographies de Jean-Louis Nou, 347 p., 690 F.

La Rome antique
Septième volume de la collection Bordas Civilisations, ce volume dédié à la Rome antique, envisage la civilisation phare de l’Occident sous tous ses aspects, religieux, artistiques, littéraires, économiques, juridiques et institutionnels pour donner un tableau aussi complet que possible. “Rome a-t-elle humanisé la Grèce? La formule risque d’être trompeuse”, écrit Pierre Grimal dans la courte préface qu’il donne à cette édition française. Il souligne encore qu’il est “moins important de saisir le déroulement de son histoire que d’en apercevoir la continuité.”
Mission accomplie par  des synthèses, dues à une pléiade d’universitaires allemands, qui sont, comme il se doit, caractérisées par un grand esprit de sérieux, et abondamment illustrées par d’immortels chefs-d’œuvre. La Ville éternelle fait à ce point partie de notre culture qu’il est salutaire de mesurer à nouveau la distance considérable qui nous en sépare. Jochen Martin, maître d’œuvre de ce volume, insiste quant à lui sur “tout ce qui, en elle, est irréductible à nos propres catégories de pensée”.
- Sous la direction de Jochen Martin, La Rome antique, Éditions Bordas, 464 p., 495 F.

Tous les meubles du XXe siècle
De l’Art nouveau à aujourd’hui, ce dictionnaire balaie la création internationale dans le domaine du mobilier. Plus de 600 noms répertoriés ne laissent plus rien ignorer des principales tendances et des créateurs, qui ne s’en tenaient pas tous exclusivement à ce domaine particulier. La part belle est donnée aux illustrations, tandis que les textes auraient gagné à être moins brefs – mais on a sans doute voulu faire oublier qu’il s’agit bien d’un dictionnaire.
- Pierre Kjellberg, Le mobilier du XXe siècle, Dictionnaire des créateurs, 696 p., 1 100 F.

Les Mages de Gozzoli
Les éditions Gallimard poursuivent leur tour d’Italie des fresques prestigieuses, après la Chapelle Brancacci, la Chambres des époux de Mantegna et la Chapelle des Scrovegni. Commandé par Cosme de Médicis pour le palais Medici-Riccardi de Florence, cet ensemble moins connu, qui fut réalisé à la lumière des bougies par Gozzoli, est unique dans l’art du quattrocento.
- Sous la direction de Cristina Acidini Luchinat, Benozzo Gozzoli, la Chapelle des Mages, Éditions Gallimard/Electa, 388 p., 590 F jusqu’au 31 décembre, 690 F ensuite.

Baroque
S’il est une partie du monde qui est marquée du sceau indélébile du Baroque, c’est bien la péninsule ibérique. Après l’austère Renaissance de Charles Quint, le style plateresque se propagea comme une traînée de poudre. Le commerce avec les colonies favorisa bien sûr cette débauche de richesses artistiques.
-  Henri et Anne Stierlin, Baroques d’Espagne et du Portugal, Éditions de l’Imprimerie Nationale, 204 p., 480 F.

Zurbarán en majesté
Une ample exposition, qui s’était tenue en 1988, avait permis au public français de découvrir l’œuvre du maître espagnol. La monographie essentielle de Maria-Luisa Caturla paraît aujourd’hui en français, traduite et complétée par Odile Delenda. Austères et fascinants, les tableaux de Zurbarán témoignent d’un puissant sentiment religieux. Les œuvres récemment restaurées ont été photographiées spécialement pour cette édition.
- Maria Luisa Caturla, Francisco de Zurbarán, Wildenstein Institute/Bibliothèque des arts, 390 p., 720 F.

Zadkine intégral
Zadkine avait, depuis 1982, un musée qui porte son nom : il lui est maintenant consacré une monographie qui fera date. Sylvain Lecombre, qui est le conservateur du premier, est également l’auteur de la seconde, avec la complicité d’Helena Staub. L’envisageant dans toute son originalité, l’œuvre se dégage de l’ombre portée par le Cubisme.
Accompagnant l’exposition qui se tient au Musée Rodin jusqu’au 8 janvier, un beau portfolio reproduit 80 dessins du sculpteur.
- Sylvain Lecombre, Ossip Zadkine, l’œuvre sculpté, Éditions Paris-Musées, 712 p., 950 F.
- Helena Staub, Quatre-vingts dessins de Zadkine, Musée Rodin et Éditions Paris-Musées, 80 planches, 360 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Les Brèves : Étienne-Louis Boullée utopiste, Tous les arts de Bruxelles..

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