Le Louvre brûle-t-il ?

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 21 avril 2015 - 547 mots

Le sauvetage héroïque par Barbet-de-Jouy et des troupes versaillaises du palais du Louvre incendié par des communards.

PARIS - Le Musée du Jeu de paume arbore depuis peu une plaque en hommage à Rose Valland, pour son rôle dans le sauvetage des œuvres spoliées en France par les nazis. L’un des accès du pavillon de Flore, au Musée du Louvre, a été baptisé porte Jaujard en hommage au directeur des lieux qui, en 1939, organisa l’évacuation des collections nationales convoitée par Hitler. Les noms plus lointains de Joseph-Henry Barbet de Jouy, Martian de Bernardy de Sigoyer, Antoine Héron de Villefosse et Léon Morand ont, en revanche, tendance à s’effacer. Une plaque commémorative située au rez-de-chaussée de l’aile Denon du Louvre et une porte Barbet-de-Jouy ne manquent pourtant pas de leur rendre hommage pour avoir sauvé des flammes le palais du Louvre et une partie de ses collections, au moment le plus tragique de la Commune. L’ancien éditeur devenu écrivain Nicolas Chaudun a fait de cet épisode oublié de mai 1871 le sujet de son nouveau récit historique, dans la lignée de celui consacré à l’irrésistible ascension du baron Haussmann (lire le JdA n° 304, 29 mai 2009).
Comment réagir lorsque la folie destructrice des communards s’empare du palais des Tuileries ? Face à l’avancée des troupes versaillaises, ces derniers comptaient réduire en cendres les symboles du pouvoir. Comment faire lorsque les flammes gagnent les « deux bras » du palais du Louvre reliés par les Tuileries, les Pavillons de Flore et Marsan ?

Alliance de circonstance
Fervent défenseur du patrimoine, Nicolas Chaudun signe d’une plume riche et cinglante un hommage appuyé à la bravoure de Joseph-Henry Barbet de Jouy et Martian Bernardy de Sigoyer – et écorne au passage le mythe des communards. Le premier est conservateur au Louvre chargé des objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance, un bonapartiste fidèle au poste malgré son limogeage. Le second est commandant du 26e bataillon de chasseurs à pied qui attend, sur la terrasse des Tuileries, les ordres pour poursuivre sa marche meurtrière vers l’est de Paris. Les œuvres considérées comme les plus importantes (dont La Joconde, La Belle Jardinière et Les Noces de Cana) ont été évacuées vers l’Arsenal de Brest, et des précautions ont été prises pour une poignée de sculptures et d’objets d’art précieux. Mais Barbet de Jouy sait que le reste des collections est menacé et est le seul à ne pas céder à la panique. Devant le spectacle des flammes qui s’engouffrent par un effet de cheminée horizontal dans les combles du pavillon de Flore, où se situe l’actuelle Grande Galerie de peintures, le conservateur obtient sans peine l’aide du militaire. Détournés du combat, 150 soldats tentent en vain d’inonder les combles avant de défoncer la toiture pour circonscrire l’incendie. Il est trop tard pour sauver les 100 000 volumes précieux de la bibliothèque impériale, partie en fumée. L’Hôtel de Ville, le palais d’Orsay et le palais de la Légion d’Honneur et leurs grands décors n’ont pas eu la chance d’avoir de tels anges gardiens. Leur postérité ne sera pas la même : tandis que Barbet de Jouy finit directeur des musées de France, Bernardy de Sigoyer est capturé par les communards et retrouvé mort deux jours après avoir sauvé le Louvre.

sNICOLAS CHAUDUN, LE BRASIER. LE LOUVRE INCENDIÉ PAR LA COMMUNE, Actes Sud, 2015, 208 pages, 19,80 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Le Louvre brûle-t-il ?

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