L’histoire du regard, que Roland Recht dresse depuis plusieurs ouvrages, s’attarde sur le gothique, une période dont la définition est encore fluctuante.
À travers l’étude de l’orfèvrerie, de l’architecture, des vitraux, de la sculpture et surtout de la liturgie, Recht montre combien la connaissance passe avant tout par la vision, le sens le plus important pour cette époque médiévale. À partir de cette constatation, l’auteur nous apprend que la plupart des innovations gothiques sont liées à un besoin grandissant de visibilité chez les fidèles et aux changements liturgiques qui en découlent. L’élévation de l’hostie pendant le sacrement de l’Eucharistie et la présence du Christ en croix sur l’autel deviennent les deux « centres topographiques et symboliques » de l’église. La Passion de Jésus est mise en scène, parfois à l’aide d’étonnantes statues articulées, dans un souci croissant de lisibilité et de réalisme, faisant du croyant un témoin du drame chrétien. En augmentant la transparence des parois et l’élévation du bâtiment en tenant compte du regard, l’architecture concourt largement à la puissance de ces scénographies et à ce besoin de visibilité. L’auteur montre combien ces changements et la multiplication des images sont aussi liés à la reconnaissance de l’architecture comme art, et à l’évolution des techniques de construction (adoption du dessin, division des tâches). Dans cet ouvrage érudit et passionnant, Roland Recht anime les cathédrales, en expliquant minutieusement la richesse de ces monuments qui se tournent vers la narration, à l’image de la cathédrale de Bourges qu’il réévalue. S’il ne propose pas de nouvelle définition, il montre que cet art de surenchère et de lumière tend surtout à se rapprocher du fidèle.
Roland Recht, Le croire et le voir. L’art des cathédrales. XIIe-XVe siècles, éd. Gallimard, 464 p., 195 F,ISBN 2-07-075426-X.
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Le croire et le voir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°514 du 1 mars 2000, avec le titre suivant : Le croire et le voir