Intarissable Sasek

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 19 novembre 2015 - 371 mots

On aurait tort de réduire le succès de Miroslav Sasek à un phénomène éphémère de la rétromania. Voilà un must. Un classique incontournable.

Et ce, depuis 1959. L’émergence de nouveaux courant artistiques à l’aube des années 1960 n’y est certainement pas étrangère. Les notions de minimalisme et leur corollaire d’esprit de synthèse étaient dans l’air. Un coup d’œil sur les étals des librairies jeunesse confirme combien son héritage est une influence internationale majeure dans l’illustration. Les suiveurs sont légion et ne déméritent pas. Sasek n’est pas pillé, il jalonne. Il a inauguré un passage et même une voie. Le secret de cette postérité tient certainement dans une subtile alchimie : le style Sasek, fortement identifiable, c’est d’abord une ligne anguleuse et élégante au service d’images riches mais constamment lisibles. Sasek a créé un alphabet graphique générique dans lequel il pioche à l’envi sans qu’aucun de ses systématismes ne génère l’ennui.

Chez l’artiste, dont la formation en architecture à Prague lui permet de bâtir n’importe quelle maison ou immeuble en deux coups de crayon, cohabitent le technicien arrivé à maturité, avec un trait sûr et un sens de l’observation exigeant, et l’enfant émerveillé auquel aucune singularité comique du quotidien n’échappe. Le second vient toujours bousculer le premier, rigoureux, pour assurer la fraîcheur de ce regard, dénué cependant de naïveté. À cette heureuse combinaison, il fallait un sujet adéquat sinon idéal où ces caractéristiques pouvaient s’épanouir. C’est chose faite, avec la série des portraits de villes illustrées, entamée avec trois villes, puis, suite au succès, complétée par quinze destinations ! Sujet qui impose, à l’époque dépourvue de Google, de se déplacer dans ces villes et d’y renouveler automatiquement son regard. Et de réinventer, à l’occasion, le charme du cliché culturel. Celui qu’on aime railler et dans lequel on retrouve les travers de sa propre culture ou de celle de l’autre.À la sortie de ses albums, plébiscités mondialement, la jeunesse – et des adultes avisés – ont pu voyager de leur chambre et construire un imaginaire sur des destinations concrètes. À redécouvrir Sasek, l’adulte voyage dans le temps et l’enfant s’accapare un vocabulaire graphique accessible et dépourvu de vulgarité. Un voyage éducatif avec un prisme artistique, y’a pas photo… Que demander de mieux ?

Miroslav Sasek, Le Grand Tour du monde avec Sasek, Casterman, 240 p., 35 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Intarissable Sasek

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