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Hugo Lippi : « Je fais passer l’art avant la musique »

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 17 décembre 2019 - 668 mots

Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. ce mois-ci : Hugo Lippi

Le guitariste Hugo Lippi, au patronyme fameux dans l’univers de l’art de la Renaissance, est un grand passionné de peinture, qui définit visiblement ce qui a donné le titre à son dernier album, sa Comfort zone, sa « zone de confort ».

D’où vous vient votre intérêt pour l’art ?

Mon rapport à l’art a été conditionné par mon éducation. Tout ce que je connais, sur le plan pictural comme musical, vient d’abord de chez mes parents, universitaires amateurs d’art. J’étais plutôt un cancre à l’école, il n’y avait que la musique qui m’intéressait, et j’en ai fait mon métier. Quand j’étais gamin, j’avais à la maison de quoi me documenter sur tout. Il y avait beaucoup de musique, mais aussi énormément de livres sur la peinture, la sculpture ou la bande dessinée. Mon père avait l’habitude de laisser traîner les livres, donc la culture me tombait sous les yeux, je n’avais pas besoin d’aller la chercher dans une bibliothèque. Je me souviens de grands livres sur Michel-Ange ou sur les impressionnistes, qui passionnaient ma mère.

Comment êtes-vous passé du goût de vos parents à vos propres goûts ?

C’est plus tard, en fréquentant les musées, que j’ai cultivé mes propres goûts. Je me souviens d’une vraie révélation devant les grands tableaux de Bruegel. Ce peintre m’a donné envie d’entrer dans la toile, une envie d’évasion. Et ça, je l’ai appris dans les musées, au contact des tableaux. L’aspect technique est secondaire, j’aime m’abîmer dans un tableau. C’est la même chose pour la musique. Je fais passer l’art avant, c’est-à-dire que la démarche artistique est plus importante que la virtuosité. L’art doit questionner ou émouvoir. Quand je fais de la musique, c’est ma priorité : je veux déclencher une réaction, que ce soit du rejet ou de l’enthousiasme. Quand quelqu’un me dit qu’il a été ému par ma musique ou qu’elle l’a questionné, c’est le compliment que j’attends. Davantage que des choses sur ma technique ou mon apprentissage. Si, dans la perception des gens, la maîtrise technique a dépassé la dimension artistique, c’est que j’ai raté quelque chose.

Vous avez donc la même démarche en tant qu’artiste qu’en tant que public ?

Exactement ! Quand on regarde un grand tableau, même si on en perçoit la maîtrise, il est très rare qu’on en regarde d’abord tous les contours. Face à un tableau de Léonard de Vinci ou un Delacroix, je vais d’abord voir le paysage, m’y plonger et c’est après, éventuellement, que je m’intéresserai à la technique. De manière générale, je suis toujours en train de contempler un paysage. Quand je joue, pour me sortir de ce qui m’entoure et qui peut parfois me perturber, ayant une nature très empathique, je me mets à improviser sur des paysages que j’ai dans la tête. J’ai une approche très imagée de la musique. Il m’arrive de faire vivre un tableau à travers ma musique. Et si c’est un paysage, je m’envole, je me sens plus libre. Pour la pochette de mon dernier album, j’ai fait appel au photographe Marc Obin, qui a fait des photos de mon environnement au Havre, qu’il soit naturel ou industriel. Je suis fait de cela. Ce sont mes paysages de Normandie.

Vous êtes normand mais vous avez un nom italien, celui d’une illustre lignée de peintres florentins de la Renaissance…

Oui, cela explique aussi mon conditionnement familial. Je suis en effet un lointain descendant de Filippo et Filippino Lippi, des quasi-contemporains de Michel-Ange. Du coup, je me suis intéressé à leur œuvre et ils me touchent particulièrement. Mais ce qui me guide dans mes goûts, c’est souvent une question d’atmosphère : j’aime beaucoup Albert Marquet, par exemple, que j’ai découvert dans la grande exposition consacrée à Edward Hopper, qu’il a influencé. Ses paysages me donnent envie d’être dans la toile. Il y a beaucoup de vide et ça me parle.

À écouter
L’album , 2019, Gaya Music.
À retrouver
Laure Albernhe et Mathieu Beaudou dans les Matins Jazz, du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Hugo Lippi : « Je fais passer l’art avant la musique »

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