Livre

Gilles Mora : « Denis Roche avait une liberté de pensée différente »

Photographe et commissaire d’exposition, co-fondateur et directeur des Cahiers de la photographie

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 29 août 2025 - 482 mots

Pour les dix ans de la mort de Denis Roche (1937-2015), la collection Fiction et Cie, qu’il a créée et dirigée au Seuil, publie un livre collectif rassemblant écrivains, photographes et critiques d’art qui racontent le poète, l’écrivain, l’éditeur et le photographe qu’il fut. Gilles Mora, directeur de la revue Les Cahiers de la photographie, évoque le photographe qui était aussi son ami.

Qu’est-ce qui relie chez Denis Roche l’activité littéraire, photographique et éditoriale ?

La liberté absolue, engagée et tenace dans le domaine de la poésie d’abord, à la fin des années 1960, et dont il fut l’un des plus grands dynamiteurs. Le rapport qu’il a entretenu avec la photographie et sa réflexion sur la notion d’acte photographique ont été moins violents.C’est d’ailleurs autour de cette notion que nous avons fondé ensemble, et avec quelques autres – dont Bernard Plossu qui nous a fait nous rencontrer – Les Cahiers de la photographie. Sa création coïncidait avec le moment où, en France, la photographie était critiquée par ceux qui lui refusaient toute spécificité. Nous considérions au contraire, et Denis en particulier, que la photographie offrait un mode de fonctionnement unique dans le rapport qu’elle engageait au temps, au réel, et à la prise de vue de celui-ci, et aux circonstances qui l’accompagnaient. Et ce avec les qualités plastiques propres à la photographie qui ne ressemblaient à rien d’autre. Chez lui, la photographie n’est pas un complément à l’écriture. Ils sont deux moyens d’expressions différents. C’est à l’intérieur de la temporalité photographique, toujours autobiographique, et de sa cristallisation qu’il a mené ses explorations. « Toute photographie est un récépissé de liberté », écrit-il dans La Disparition des lucioles.

Denis Roche a travaillé aux éditions Tchou (1962-1972), participait au comité littéraire de la revue Tel quel et, six ans après avoir créé au Seuil sa propre collection de littérature contemporaine, Fictions & Cie, il participe à la création de la revue Les Cahiers de la photographie. Qu’a-t-il apporté à la revue ?

Une liberté de pensée différente de la nôtre. Il n’avait pas une approche théorique de la photographie au sens strict, elle est une mise en application sans complexe de ce qu’il pensait de la photographie et de ce qu’il en faisait dans un besoin de formes, de structures et de lignes, et dans une grande inventivité que ces autoportraits ou portraits avec sa femme, ses réflexions sur la mort ou la disparition expriment.

Des auteurs publiés par Denis Roche au Seuil ou qu’il a photographiés, comme Alain Robbe-Grillet, ont-ils participé à la revue ?

Non aucun, et nous ne le recherchions pas car, par son travail, Denis appartenait au monde de la littérature, il était un éditeur au Seuil et se consacrait au travail qui était le sien. La photographie était un autre monde, regroupait d’autres personnes. Il n’a pas cherché à constituer un cercle comme Philippe Sollers. Il n’était pas dans les mondanités.

Denis Roche, « Dans les plis du temps, »
Édition du Seuil, collection Fiction et Cie, septembre 2025, 128 p, 19 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : Gilles Mora : « Denis Roche avait une liberté de pensée différente »

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