Musées

Gérer ou ne pas être…

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 7 septembre 2010 - 557 mots

Pour Jean-Michel Tobelem, le salut de la spécificité des musées
se fera en assumant une logique managériale.

Sous des airs très policés, l’ouvrage de Jean-Michel Tobelem agacera peut-être certains professionnels des musées. Car, tout en étant dénué d’esprit de polémique, Le Nouvel Âge des musées prend acte de la mutation des sanctuaires des arts en lieux aux prises avec le marché. Déjà, en 2005, lors de sa première édition, le livre était passé pour un ovni éditorial, en insistant sur la nécessité de prendre davantage en compte les problématiques de gestion dans un secteur où il n’existait jusque-là aucune doctrine. Cinq ans plus tard, cette nouvelle mouture tombe à point. Entre-temps, une série d’événements a en effet confirmé que rien ne serait plus jamais comme avant dans le monde feutré des musées français : le Louvre a cédé sa marque contre espèces sonnantes et trébuchantes à l’émirat d’Abou Dhabi alors que l’aliénation des collections publiques a été mise à l’étude…

Docteur en gestion, l’auteur plaide pour sa chapelle sans toutefois sombrer dans la caricature produite par quelques inspecteurs des finances capables d’assimiler les musées à des réservoirs d’actifs immatériels encore inexploités financièrement. Pour Jean-Michel Tobelem, qui insiste au contraire sur le fait que ces établissements relèvent du secteur à but non lucratif, le raisonnement est limpide : c’est en gérant au mieux les musées que leurs responsables parviendront à les préserver des dérives mercantiles. Cela, en prenant en compte la singularité de cette « organisation hybride » – définie par l’auteur comme « organisation culturelle de marché » bien distincte d’une entreprise culturelle – dont le rôle se situe entre diffusion et conservation, production d’événements et recherche scientifique, consommation et éducation. Au fil des pages se dessine une radiographie complète de ce nouveau monde des musées, où les questions de financement, personnel, gouvernance, production… sont passées au crible, Jean-Michel Tobelem puisant largement les références dans la sphère anglo-saxonne. Tout en réfutant l’idée du recours à gestion privée, il met aussi en garde les professionnels trop rétifs à la culture managériale : « Soit les critères d’évaluation seront élaborés par la profession, soit ils seront mis au point à l’extérieur du monde des musées, avec les risques imaginables que cela peut comporter. » 

Pistes de réflexion
L’auteur – qui ne réfute pas le principe d’aliénation partielle des collections et soutient les vertus de la gratuité – entend proposer des pistes de réflexion. Plusieurs leviers peuvent ainsi être activés, comme établir une véritable stratégie d’établissement en adéquation avec l’environnement socioculturel, scientifique et économique du musée (le « temps du pilotage à vue est révolu »), mais aussi moderniser la gestion des ressources humaines des musées, « l’une des plus sûres clés du développement des établissements compte tenu d’une prévisible limitation des moyens financiers ». Celle-ci pourrait notamment passer par une réflexion sur le métier de directeur (en créant, par exemple, un concours de chef d’établissement), ou un renforcement du rôle des bénévoles, à l’exemple des États-Unis. Cela, en gardant l’optimisme de celui qui croit résolument en l’avenir des musées, « force puissante au service de la diffusion des connaissances scientifiques de l’éducation du plus grand nombre et de la démocratisation culturelle ».

Jean-Michel Tobelem, Le Nouvel Âge des musées. Les institutions culturelles au défi de la gestion, éd. Armand Colin, 2e édition, 2010, 324 p., 27 euros, ISBN 978-2-2002-4821-5

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°330 du 10 septembre 2010, avec le titre suivant : Gérer ou ne pas être…

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