Livre

ROMAN

Francis Bacon vu de la cuisine

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2023 - 320 mots

Depuis Le Tiers Temps (Gallimard, 2020), couronné du prix Goncourt du premier roman, Mailys Besserie consacre son travail d’écrivain à faire revivre des artistes irlandais.

C’était le dramaturge Samuel Beckett en 2020, le poète William Butler Yeats avec Les Amours dispersées (Gallimard, 2022) et c’est, aujourd’hui, le peintre Francis Bacon (1919-1992), né à Dublin. Tout comme elle donnait la parole à Beckett, l’autrice a construit une série de monologues grâce auxquels Bacon fait entrer le lecteur dans son processus créatif. Ils alternent avec le récit – à la première personne également et s’adressant à un auditeur imaginaire – que fait « Nanny » de sa vie avec Francis, depuis son embauche comme nourrice en 1911 jusqu’à sa mort, auprès de lui, en 1951.

Le livre est un roman puisque Mailys Besserie en a imaginé les dialogues. Pour les faits relatés, elle s’est appuyée sur une bibliographie qu’elle ne cite pas. On reconnaît cependant sans peine ce qu’elle a pu extraire des interviews du peintre – par exemple, les entretiens avec David Sylvester – ou de la biographie de Daniel Farson traduite en français sous le titre Francis Bacon, aspects d’une vie (Le Promeneur, 1994).

Si, dans les brefs chapitres titrés « Francis », la romancière parvient à montrer les sources d’inspiration de l’artiste, sa fièvre créatrice et ses doutes, la partie biographique dévolue à « Nanny » ne convainc pas. La nourrice, plus tard cuisinière, Jessie Lightfoot, a bien existé : le site Internet francis-bacon.com, édité par la Succession Francis Bacon, lui consacre un article dont tous les détails se retrouvent dans le roman. Malheureusement, l’autrice ne creuse pas sa psychologie et lui prête un langage populaire qui paraît vite factice. Elle commet également l’erreur de ne pas choisir entre le roman vrai d’une nounou dévouée jusqu’à la mort à l’enfant mal-aimé qu’on lui a confié, le biopic, genre auquel la vie tumultueuse de Bacon se prêtait pourtant bien, et l’exercice d’écriture sur l’œuvre du peintre.

Maylis Besserie, La Nourrice de Francis Bacon,
éd. Gallimard, 2023, 249 p., 20 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Francis Bacon vu de la cuisine

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