Cinéma

Fragments d’un amour islandais

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 25 novembre 2025 - 409 mots

Dans l’immensité des paysages volcaniques, L’Amour qu’il nous reste raconte l’histoire intime d’un couple qui se sépare. Une chronique familiale douce-amère avec ses petits riens du quotidien et ses souvenirs.

Hlynur Pálmason (né en 1984) appartient à cette espèce étrange de cinéastes ermites. Il est de ces créateurs qui travaillent très loin des institutions, y compris géographiquement. Pálmason habite en effet dans une maison très isolée, quelque part en Islande, dans un coin au bord du monde qui lui sert à la fois d’atelier et de décor. Son précédent film, le splendide Godland (2022) relatait la traversée de l’île nordique par un jeune missionnaire danois au XIXe siècle. Le réalisateur revient avec un travail très différent, une œuvre contemporaine tout aussi poétique. L’Amour qu’il nous reste suit pendant plusieurs saisons une famille islandaise : un couple et leurs trois enfants. Magnus est marin pêcheur, Anna est artiste. Ils se séparent sans y arriver tout à fait. S’ils ne peuvent plus vivre ensemble, il leur reste néanmoins un peu d’amour à partager. Pálmason, qui met en scène ses propres enfants, crée de la fiction à partir d’instants vécus, captés avec ses caméras personnelles en format carré – la cueillette des baies ou des champignons, la saison des harengs, une promenade en montagne, un coq qu’on n’aurait peut-être pas dû tuer… L’Amour qu’il nous reste raconte comment l’on fabrique des souvenirs, mais aussi des regrets. Il nous parle des mots qu’on n’aurait pas dû prononcer, des maladresses que l’on ne peut hélas plus réparer. Et de toutes ces choses minuscules de la vie, habitées, discrètement, par le sentiment amoureux. Hlynur Pálmason cumule son activité de cinéaste et celle d’artiste. Il se permet une séquence comique qui met en scène un insupportable galeriste venu du continent en touriste. Dans sa logorrhée, ce dernier nous apprend que l’art est en grande partie une affaire de mètres carrés et d’immobilier. Pálmason filme ici ses propres œuvres, qu’il attribue à son personnage féminin. Il installe de grandes toiles recouvertes de plaques de métal dans la nature. Ensuite, l’hiver fait son œuvre et décalque la rouille. Parfois, des événements imprévisibles perturbent ce processus : des chevaux de passage ou une oie sauvage venue pondre à l’abri des créations. Autour de cette histoire s’étirent les paysages immenses et les couleurs volcaniques de l’Islande. Cette vastitude renvoie les silhouettes des comédiens à leur petitesse, à notre condition d’humains, ballottés par la mer, le vent et surtout par le temps.

« L’Amour qu’il nous reste » était présenté au Festival de Cannes 2025, dans la section « Cannes Première ». Star canine du film, Panda a reçu la Palme Dog qui, depuis 2001, récompense le meilleur chien de la sélection. Ce craquant berger islandais succède à Kodi pour « Le Procès du chien » de Laetitia Dosch en 2024 et à Messi pour « Anatomie d’une chute » en 2023.
« L’Amour qu’il nous reste », 
de Hlynur Pálmason (2025, 109 min). En salles le 17 décembre.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°791 du 1 décembre 2025, avec le titre suivant : Fragments d’un amour islandais

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