Anniversaire

Force de caractères

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2014 - 686 mots

La revue annuelle « Graphisme en France » fête ses 20 ans en confiant la conception d’un numéro spécial, à la pagination augmentée et diffusé gratuitement, à de jeunes graphistes.

On n’a pas tous les jours 20 ans. D’où l’événement concocté cette année par le Centre national des arts plastiques (Cnap), autour de la sortie de son annuelle et toujours passionnante revue dédiée au graphisme hexagonal, baptisée Graphisme en France. Cette manifestation, qui réunit « l’ensemble des acteurs de la scène française du graphisme contemporain pour en montrer la créativité, la diversité et la vitalité », a ainsi déployé, en mai, le Salon graphique « Les enjeux de l’identité visuelle », et proposera, les 27 et 28 novembre, au Centre Pompidou et à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, à Paris, un colloque international intitulé « Design graphique, les formes de l’histoire » (1).

Histoire de marquer le coup, le Cnap a, en outre, pris deux initiatives notoires. D’une part, fin 2013, des typographies ont pour la première fois intégré les collections du Fonds national d’art contemporain, en l’occurrence deux familles de caractères : le Camille (2010-2012) de Malou Verlomme et le Panorama (2003-2013) de Jean-Baptiste Levée. D’autre part, en début d’année, une commande publique a été lancée pour la création d’un caractère typographique, commande attribuée Sandrine Nugue, 29 ans, diplômée en 2013 de l’École supérieure d’art et de design d’Amiens. Sa police de caractères sera proposée en téléchargement libre de droits le 22 décembre. Chacun pourra ainsi écrire avec une typographie flambant neuve imaginée par une actrice de la jeune garde du graphisme français.

Grenoble-Valence
Sérieusement étoffée – la revue totalise cette année 94 pages, soit le volume le plus dense depuis sa création –, cette vingtième édition de Graphisme en France se plie néanmoins à l’habituelle et judicieuse règle éditoriale qui veut que chaque numéro soit conçu par des graphistes récemment diplômés. Cet « opus anniversaire » a été imaginé par Charlotte Gauvin et Matthieu Meyer, diplômés respectivement en 2012 et en 2011 de l’École supérieure d’art et design de Grenoble-Valence. Graphiquement parlant, chacune des cinq contributions est ainsi séparée par une « page de partie » vierge de texte, fonctionnant telle une respiration : « Une fenêtre où se sur-imprime une même image : un paysage caractérisé par l’absence de signes, avec son double inversé comme en résonance », soulignent Charlotte Gauvin et Matthieu Meyer. En miroir, on déchiffrera sur le fil de chacune des pages les lettres et les chiffres suivants : « G-F-2-0-1-4 ». Le lecteur aura compris. Ces six « pages-paysages » encadrent donc cinq longs textes, qui analysent divers champs d’interventions du design graphique.

Usages à inventer
Anthony Masure, enseignant en design graphique et numérique, observe ainsi l’impact des outils numériques sur les processus de création graphique, sur la dématérialisation et sur les nouveaux usages à inventer. Tandis que Vivien Philizot, designer graphique et maître de conférences à l’université de Strasbourg, aborde la question des usages sociaux du graphisme. De leur côté, des contributeurs de la revue en ligne Tombolo (2) s’attachent à la nature des formes critiques émergentes dans le domaine du design graphique.

Décryptant les champs de la recherche en typographie, Alice Savoie, dessinatrice de caractères et enseignante, plaide pour « la constitution et la valorisation de collections et fonds d’archives typographiques substantiels » et pour « faciliter leur mise à disposition auprès des chercheurs ». Mais elle estime, avant tout, que la typographie doit écrire sa propre histoire : « Il est aujourd’hui plus que nécessaire d’encourager la constitution de corpus substantiels dans le domaine de la typographie ».

Enfin, vingt bougies obligent, Michel Wlassikoff, historien du graphisme et de la typographie, dresse le panorama des dix-neuf éditions et deux décennies de la revue, revenant, pour l’occasion, sur l’histoire des lieux de diffusion et des dispositifs de promotion de la discipline. Son constat est sans appel : « La valeur artistique du graphisme a bénéficié d’une lente reconnaissance, son importance économique mérite d’être plus amplement appréciée. » Bref : ce n’est qu’un début, continuons le combat !

Notes

(1) programme complet sur le site : www.graphismeenfrance.fr (2) www.t-o-m-b-o-l-o.eu

Graphisme en France n°20

Editions Centre national des arts plastiques, 2014, 94 pages. Ce numéro, tiré à 10 000 exemplaires, est diffusé gratuitement. Pour en recevoir un, s’inscrire sur graphisme.cnap@culture.gouv.fr. On peut aussi télécharger le pdf sur : www.graphismeenfrance.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Force de caractères

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