Deuxième résidence royale de France après Versailles, le château de Fontainebleau souffre de son aspect hétéroclite et de son histoire compliquée. S’appuyant sur les travaux récents et une remarquable iconographie, Jean-Marie Pérouse de Montclos s’attache à démêler l’écheveau, rendant à chacun la part qui lui revient dans ce chef-d’œuvre de l’art français.
Alors que la dernière monographie consacrée au château de Fontainebleau date de 1937, de nombreuse études publiées depuis une vingtaine d’années ont permis d’affiner la connaissance du lieu et de remettre en cause beaucoup d’idées reçues et d’inexactitudes historiques. Il est vrai, ainsi que le remarque Jean-Marie Pérouse de Montclos en introduction, que “la complexité de ce château déroute”. Bâtie sur l’ancienne demeure médiévale et le couvent des Mathurins, la résidence royale s’est adaptée au tracé préexistant, et a connu, de François Ier à Napoléon III, de fréquentes transformations et agrandissements, parfois au détriment de la cohérence. À ce titre, l’auteur n’a pas de mots assez durs pour Louis XV, à qui “revient la palme réservée aux plus dignes successeurs des rois vandales”. Celui-ci a en effet ordonné, malgré l’indignation de ses contemporains, la destruction de la galerie d’Ulysse, longue de 150 mètres et ornée de fresques de Primatice, et le démantèlement de la Belle cheminée édifiée par Henri IV : “Ce monument que les Bourbons auraient dû vénérer, Louis XV le fera mettre en pièces”. Quant à l’habillage des façades sur le jardin de Diane, “il compte parmi les réalisations les plus indigentes du règne de Louis XV et de Louis XVI”.
Non seulement plusieurs ouvrages majeurs ont disparu, mais parfois le nom même des architectes a été effacé par le temps. Ainsi peine-t-on toujours à attribuer les premières constructions entreprises par François Ier, qui marque les débuts de la Renaissance en France. Le maçon Gilles Le Breton a vraisemblablement été assisté par Pierre Paule, dit l’Italien, désigné dans des documents relatifs au chantier comme “architecte du Roy”, “contrôleur de ses bâtiments” et gouverneur du château.
Constatant que “client et maçon firent de l’architecture sans architecte”, l’auteur suggère une intervention probable du souverain dans la conception d’ensemble. Son règne verra toutefois l’arrivée d’Italie d’un véritable architecte : Sebastiano Serlio. Une longue suite d’historiens, interprétant mal les textes, a affirmé contre toute vraisemblance que Serlio avait été laissé sans ouvrage. Pérouse de Montclos lui rend les ailes nord, sud et ouest de la cour du Cheval Blanc (les deux dernières ont été détruites), le réaménagement de la salle du Guet, et aussi la fameuse grotte des Pins, attribuée par la tradition à Primatice. En revanche, il lui retire le portique dit “de Serlio”, qui ne saurait être l’œuvre d’un architecte imprégné du classicisme romain.
Pour illustrer son propos, l’auteur est servi par une remarquable iconographie, dont une grande partie a été réalisée par Georges Fessy, comme pour Vaux-le-Vicomte publié l’an dernier. Si la première partie met l’accent sur l’aménagement intérieur, en reproduisant intégralement la galerie François Ier, œuvre du Rosso, la seconde fait la part belle à l’architecture, domaine de prédilection de Pérouse de Montclos. Plans et gravures anciennes aident également le lecteur à suivre les méandres de l’histoire bellifontaine, dont les plus belles pages furent écrites à la Renaissance.
Jean-Marie Pérouse de Montclos, Fontainebleau, photographies de Georges Fessy, éditions Scala, 208 p., 218 ill., 260 F jusqu’au 30 juin, 320 F ensuite. ISBN 2-86656-175-9
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Fontainebleau revisité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Fontainebleau revisité