Livre

Étienne Jollet : La Nature morte ou la place des choses

Nouvelle niche pour l'histoire de l'art

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 30 mai 2008 - 389 mots

Pour paraphraser la célèbre phrase de Maurice Denis, la nature morte est essentiellement une mise en scène composée d’objets en un certain lieu assemblés. Mais voilà, d’elle on ne regarde souvent que ses verres, ses crânes, ses fleurs et ses gibiers, leur agencement et leur symbolique, mais rarement, voire jamais, le lieu de leur mise en scène. Ou plus exactement « les lieux », puisque l’on en dénombre au moins deux : interne (celui de la représentation) et externe (celui de la présentation : fresque en trompe-l’œil, panneau d’un meuble, etc.).

De l’Antiquité au XXe, le siècle d’élection de la nature morte
Dans une étude passionnante, quoiqu’un peu longue, Étienne Jollet, historien d’art et professeur à l’université, a décidé d’écrire cette autre histoire de la nature morte, depuis l’Antiquité jusqu’aux objets de Jean-Michel Sanejouand. Le sous-titre de l’ouvrage ne laisse place à aucune équivoque : « L’Objet et son lieu dans l’art occidental ».
Disparue avec l’âge des ténèbres, la représentation d’objets ne réapparaît qu’à la fin du Moyen Âge, quand l’imitation redevient respectable. Elle renoue avec les xenia, ces fresques murales qui, sous l’Antiquité, donnaient l’illusion des présents offerts à un hôte. C’est Taddeo Gaddi qui, vers 1328, signe peut-être l’archétype du genre en feignant une patène dans une niche sur les murs plans de Santa Croce, à Florence. Avec lui, la niche se substitue au traditionnel fond or ; car les objets n’existent que dans l’espace, qu’ils creusent.

Ces derniers n’acquièrent leur autonomie qu’au XVe siècle, quand les œuvres commencent à circuler. Si la niche reste leur « cadre » de prédilection jusqu’au XIXe siècle, les lieux se diversifient : tables, livres, pierres tombales… L’obscurité dans laquelle Baugin les plonge renvoie à coup sûr à la mort. Au XVIIe les fonds gagnent en complexité pour devenir, au XVIIe, de « véritables » lieux naturels.
La nature morte s’inverse alors. D’abord éléments décoratifs de la vie des saints, signes du désordre du monde, les objets occupent désormais le premier plan, reléguant derrière eux les scènes religieuses. Mais In Absentia ou In Praesentia, l’homme n’est jamais loin. Et quand il disparaît, c’est pour laisser la place à l’art moderne. Les natures mortes de Cézanne et des cubistes n’inaugurent-elles pas le XXe ?

Étienne Jollet, La Nature morte ou la place des choses, Hazan, 340 p., 230 ill., 89 euros

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Étienne Jollet : La Nature morte ou la place des choses

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