Débat

Éducation du regard

Roland Recht lance des pistes

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2006 - 507 mots

Le fidèle lecteur du Journal des Arts reconnaîtra dans cet ouvrage le ton sans complaisance de notre chroniqueur Roland Recht. En protagoniste et observateur averti du monde de l’art, l’universitaire et ancien directeur général des musées de Strasbourg, et actuel titulaire de la prestigieuse chaire d’histoire de l’art au Collège de France, assène dans nos colonnes quelques vérités que d’aucuns préféreraient ne pas avoir à lire. En novembre 2005, dans le cadre d’un dossier spécial (lire le JdA no 225, 18 novembre 2005, p. 18), il répondait par ailleurs à nos questions sur les errances de l’histoire de l’art française. Le débat n’était qu’amorcé et se poursuit aujourd’hui à travers cette conversation menée avec Claire Barbillon, directrice des études de l’École du Louvre et maître de conférences à l’université Bordeaux-III. Intitulé À quoi sert l’histoire de l’art, l’ouvrage vient à point nommer le prolonger de manière érudite.

Sollicitations quotidiennes
Logiquement, l’échange ne manque pas de sel, Roland Recht n’ayant jamais hésité à affirmer son hostilité aux grandes écoles – dont l’École du Louvre – créées en marge de l’université, ni à la création d’un corps spécifique de conservateurs du patrimoine, qui, d’après lui, a renforcé le clivage entre musées et université. Organisé en trois temps forts – « Patrimoine : les raisons de la discorde » ; « Histoire de l’art : une autre “exception française” » et « Pour une nouvelle éducation du regard » –, le recueil constitue une mise au point sur la définition, l’histoire, les enjeux et les maux – notamment les graves lacunes en termes de méthodologie – de la discipline dans l’Hexagone.
Cette conversation à bâtons rompus évoque par ailleurs les rapports qu’entretiennent les historiens de l’art avec le monde des musées, le patrimoine ou l’art contemporain, et procure à Roland Recht l’occasion de dénoncer quelques dérives récentes, comme la marchandisation des collections de musées, ou le déclin de la qualité scientifique des expositions au profit de manifestations consuméristes. Or, d’après lui, il ne faut pas se tromper. « Il n’y a pas d’immédiateté du regard, précise Roland Recht. On apprend à voir comme on apprend à écouter ou à s’exprimer. Nous passons notre vie à être sollicités par le visuel, et cette sollicitation quotidienne nous donne l’impression que nous sommes maîtres de notre regard, maîtres de notre attention. C’est complètement faux, nous sommes noyés par les images parce qu’on ne nous a pas appris à faire le tri. » Loin d’entretenir un pessimisme stérile, Roland Recht n’hésite pas à proposer quelques idées et pistes de réflexion. Et pour ce militant d’une réhabilitation plus large de la pensée critique, celles-ci dépassent souvent le cadre strict de la seule histoire de l’art. Reste cependant une question : pourquoi « À quoi sert l’histoire de l’art » ne deviendrait-il pas l’intitulé d’un cours à l’École du Louvre, où l’enseignement de la méthodologie reste l’une des faiblesses majeures ?

À quoi sert l’histoire de l’art ?, Roland Recht, entretien avec Claire Barbillon, éd. Textuel, coll. « Conversations pour demain », 112 pages, 17 euros, ISBN 2-84597-194-X.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Éducation du regard

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