Livre

Du beau, du bon Cassandre

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 28 mars 2019 - 434 mots

La malédiction de Cassandre fut de n’être point écoutée. Est-ce pour cette raison qu’Adolphe Jean Marie Mouron prit ce pseudonyme d’artiste ? L’intéressé ne s’en est jamais expliqué.

Écouté, pourtant, le célèbre affichiste le fut, à commencer par les marques qui lui firent confiance. Né en 1901 dans une famille française en Ukraine, il s’installe avec ses parents en 1915 en France. Formé à l’Académie Julian et à la Grande Chaumière, le jeune homme ambitionne de devenir peintre. La rencontre avec Hachard, éditeur publicitaire, en décidera autrement. Ce dernier lui met le pied à l’étrier et lui confie, en 1923, la réalisation de l’affiche Au Bûcheron, pour un grand magasin de meubles de la rue de Rivoli, à Paris. Le style « cubisant » est nouveau, et la consécration de Cassandre immédiate. Le plus grand affichiste de l’Art déco – probablement même du XXe siècle – est né. Seul l’Américain McKnight Kauffer semble pouvoir concurrencer son génie, et encore… L’Étoile du Nord, c’est lui, lui encore l’affiche du Normandie comme la fameuse campagne « Dubo, dubon, Dubonnet ». Le MoMA de New York ne s’y trompe pas, qui lui consacre, en 1936, sa première exposition dédiée à un affichiste. « Un artiste comme Cassandre n’apparaît qu’une fois par siècle », venait d’écrire le directeur artistique Paul Rand. « Plus qu’un compliment », juge aujourd’hui Alain Weill. Spécialiste de l’affiche, qui a signé des ouvrages de référence sur l’Art nouveau et l’Art déco chez Hazan, ce dernier signe son premier ouvrage monographique sur Cassandre. Dans ce livre, l’auteur n’a retenu que les meilleures réalisations de l’artiste – autant dire la majorité de sa production –, vantant les sociétés de transports ferrovaires et maritimes, ou encore le tourisme, au détriment de l’automobile. Détaillant ses réalisations les unes après les autres, au risque parfois de passer à côté de l’homme, Alain Weill se concentre sur le style Cassandre, fait de compositions dynamiques, de textes en diagonale, d’angles saillants et de halos irradiant les formes, et de son approche théorique du métier. Les derniers chapitres du livre sont réservés à la production picturale et théâtrale de l’artiste. En 1935, Cassandre rencontre en effet Balthus, l’ami qui le fera renouer avec la peinture et qu’il n’aura dès lors de cesse de copier dans des tableaux de bonne facture mais qui n’égaleront jamais ceux du maître. Un échec. Il se reconvertira alors dans les décors et les costumes de théâtre et d’opéra avant de revenir au graphisme à travers la réalisation de pochettes de vinyles, dont il fut l’un des pionniers. Cassandre est mort en 1968, se retirant d’un monde qui, après l’avoir beaucoup entendu, ne l’écoutait plus.

Alain Weill,
Cassandre,
Hazan, monographie sous coffret, 280 p., 99 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°722 du 1 avril 2019, avec le titre suivant : Du beau, du bon Cassandre

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